Nissan : du centre technique à la route, “Vis ma vie de pilote d’essai”…

[dropcap style=”style4″]L[/dropcap]es centres de recherche et de développement des constructeurs sont des lieux trop souvent mis à l’abri des regards indiscrets. Nissan nous a offert la possibilité de visiter le NTCE pour Nissan Technical Center Europe. Basé sur le site de l’usine de Barcelone, il est l’un des trois sites mondiaux où le groupe japonais développe, paramètre, et teste tout ce qui peut l’être.

Inauguré en juillet 2006, ce lieu névralgique et cerveau de l’intelligence des innovations Nissan pour le “vieux continent” regroupe 340 personnes sur 19 46777 m2 dont une majorité d’ingénieurs qui peaufinent chaque jour les évolutions moteurs, l’acoustique, les réglages de suspensions, etc… des futurs Qashqai, X-Trail, et autres modèles de l’Alliance Renault-Nissan comme les Infiniti. Sans oublier les voitures des concurrents comme la Golf GTE aperçue en pleine “auscultation” lors de la visite. Les deux autres centres techniques Nissan sont situés en Amérique du Nord (NTCNA) et bien sûr au japon (NTC). A l’invitation de Nissan, nous avons découvert en détail le NTCE avant de passer derrière le volant, tel un pilote d’essai, sur la piste du circuit de Castellolí.

Commençons par les bancs moteurs. Les machines n’étant pas soumises à des temps de travail limités celles-ci tournent 24h/24 et 7j/7. En journée, les opérateurs gèrent les tests et la nuit, ils se poursuivent en mode autonome. Ce sont ces opérations qui permettent aux ingénieurs de créer l’âme du bloc. Ce dernier terme est un point important car un même moteur peut être présent sur différents modèles mais avec des réglages différents. Exemple : le 1.5 dCi 110 du Juke et du Qashqai. Ainsi ce sont près de 30 000 combinaisons qui sont possibles et un moteur passe près de 1 000 h en test afin que sa cartographie soit définie.

Au sein du NTCE, tout est optimisé pour ne pas perdre une seule seconde. Pour les constructeurs automobiles et comme toutes les entreprises au monde, le temps c’est de l’argent. Il ne faut que 30 minutes pour monter et remonter un moteur sur un banc. Placés sur des chariots, les “cœurs mécaniques” passent très rapidement de leur phase de test à celle du démontage pendant laquelle le moindre défaut est traqué ! Les émissions de CO2 sont également au centre des essais dans le but ultime de proposer un moteur au meilleur compromis et qui respecte les normes européennes, un casse-tête chinois japonais pour Nissan !

Les moteurs sont sollicités dans toutes les conditions possibles, les boîtes de vitesses subissent le même traitement et les trains roulants sont torturés. Une scène nous a particulièrement marqué au NTCE, celle d’un Navara suspendu dans les airs en train de rebondir sur des vérins. Vous l’aurez compris à travers l’image qui suit, nous étions soumis à une logique interdiction de prises de vues d’où l’utilisation de cette photo d’un Qashqai fournie par Nissan. Observez bien les mousses qui simulent les poids des passagers à l’avant.

Autre point non moins important étudié et développé à Barcelone, l’acoustique et donc le confort sonore ressenti à l’intérieur d’une Nissan. Dans des grandes salles spécifiques totalement insonorisées, sans résonance ni écho, les voitures déroulent les kilomètres et une multitude de capteurs mesurent les fréquences générer par les vibrations et des sondes sont en charge de relever le moindre bruit. L’objectif ultime est d’isoler et d’amoindrir les sons néfastes et d’effacer des fréquences inaudibles à l’oreille humaine mais qui nous fatiguent sans que l’on s’en rende compte. L’exercice est alors des plus complexes car le caractère d’une voiture passe par son bruit.

Les missions des hommes du NTCE ne s’arrêtent pas là. Ils étudient également les causes climatiques qui peuvent avoir un impact sur tous les éléments d’une voiture.  De -40°C à +90°C, ces chambres de torture recréent quasiment n’importe quel environnement planétaire. L’expression “choc thermique” prend ici tout son sens ! Enfin et pour conclure sur cette première partie technique, ce ne sont pas moins de 20 000 l de carburant qui sont stockés pour nourrir les moteurs.

Pour mettre en pratique le quotidien des recherches et des développements réalisés au NTCE, nous sommes ensuite entré dans la peau d’un pilote d’essai grâce à 4 ateliers organisés sur le circuit de Castellolí : direction, réglage de l’accélération, configuration moteur et perception en courbe.

Au volant de Juke et Qashqai motorisés par le 1.5 dCi nous avons pu assimiler la science automobile des réglages. Chose possible et surtout palpable car nos deux crossovers utilisés étaient plutôt spéciaux car équipés d’ECU (Electronic Control Unit) externe. Les ingénieurs présents à nos côtés pouvaient ainsi jouer sur n’importe quel paramètre des voitures.

Lors de l’atelier “direction”, nous avons pris à deux reprises une chicane matérialisée par des plots à 60 km/h. Le premier passage a été effectué avec un réglage dit de base qui, comme son nom l’indique, sert de standard avant d’affiner la direction de la version définitive. Directe et plutôt précise, cette configuration nous a semblé plus lourde. Après un simple click, nous avons réalisé un second passage en paramètre final, celui du Qashqai de série. Oh surprise ! Bien plus précise tout en étant beaucoup plus douce, le ressenti de la direction nous a paru d’un “touché optimal”, si l’on peut employer cette expression. Tellement bluffant que nous n’avons pas pu résister à un autre double passage entre les cônes.

L’atelier “accélération” nous a fait monter dans les tours ! C’est de nouveau un prototype de Qashqai qui s’y colle. L’idée de l’essai était de comprendre le réglage entre la pression sur la pédale de droite (la fameuse) et la réaction du moteur. Sans rentrer dans le détail de l’exercice, la première forte accélération puis l’enchaînement des rapports étaient liés à une réponse moteur d’un Qashqai de tous les jours. Quant au second run, il a mis en exergue le fait que sans assistance à l’accélération, le confort de conduite et la consommation sont vite ingérables. A chaque passage de vitesse, il faut compenser en accélérant plus fort car l’aiguille du compte-tours chute de manière vertigineuse (comme les dénivelés du tracé espagnol). Imaginez au quotidien, les désagréments que pourraient causer un tel paramétrage sans assistance et les hausses de consommation, pire !

Sur la plan de la “configuration moteur”, l’atelier 3, nous avons moins été surpris mais non moins intéressés. Au volant du Juke, nous passons d’un mode à un autre tout en roulant en ligne droite. Le crossover se métamorphose littéralement en trublion automobile bien énervé ou voiture plus sage, conforme aux attentes du marché. Pour faire simple, c’est comme si le Juke avait été tuné. Bruyant, fatigant à la longue à l’oreille et créateur (encore) de consommation excessive, le Juke devient, en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, sage et confortable à la conduite sans perdre une certaine nervosité (cf “l’âme du moteur évoqué au NTCE).

Une longue courbe à 80 km/h en montée avec seulement 50 cm d’espace pour y faire passer un Juke. Cette fois, nous nous concentrons sur la perception en courbe sous trois angles : l’entrée dans le virage, la constance dans la courbe et les éventuelles corrections au volant à apporter pour rester dans la zone délimitée. Concentrés, nous réalisons l’exercice sans toucher de plots. Notre instructeur et pilote d’essai (le vrai) Nissan nous demande de repartir en attaquant la courbe à 90 km/h. Il faut alors être beaucoup plus fin. Et c’est encore l’expertise des ingénieurs du centre technique de Barcelone qui permet au Juke de se sortir du virage sans encombres malgré plus d’efforts et quelques petites corrections au volant.

A cet instant notre visite du matin au NTCE prend de nouveau tout sons sens. Le ressenti, la perception au volant et la sensation de sécurité sont omniprésents, merci aux différents bancs d’essais et au sacrifice de nombreux Juke sur les “vérins de l’enfer” ! Mais au final, c’est bien l’être humain qui imagine, réfléchit puis conçoit la voiture au compromis idéal grâce à la haute technologie.

Après ce “Vis ma vie de pilote d’essai”, une puissante surprise nous attendait : le Juke R 2.0 pour deux tours de ce surprenant circuit au caractère situé entre celui de Lédenon et de Spa-Francorchamps. Que dire ? Cette nouvelle opportunité de piloter “The Beast” après l’essai de Mortefontaine (à lire sur Nissan Juke-R 2.0 : le Seigneur de l’anneau de Mortefontaine, essai !) et le run sur l’Altiport de Megève représente plus qu’un privilège ! Le V6 3.8 l de 600 ch lâche toute sa rage résonne et donne de l’écho le long des flancs abrupts de la piste.

Le plaisir est à son comble. Notion, voire état d’esprit que Nissan et les ingénieurs du NTCE gardent chaque jour à l’esprit, une sorte de leitmotiv pour ne jamais oublier que l’automobile est un plaisir. Et aucun banc, capteur, sonde ou tout autre technologie ne pourront le calculer. Ce sont donc bien des hommes passionnés par leur métier et dévoués qui “engendrent” des Nissan à forte personnalité, mission accomplie sur chaque modèle.

Texte : Frédéric Lagadec

Photos : Nissan






Publié par
Frédéric Martin

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