Louis Schweitzer : l’ex-PDG de Renault et père de la Twingo est décédé à 83 ans

Louis Schweitzer, ancien PDG de Renault entre 1992 et 2005, est mort à l’âge de 83 ans. Sous son ère, la marque au losange a connu une transformation radicale : la conception et la commercialisation de la Renault Twingo en 1993, véritable icône populaire, ainsi que le rachat de Dacia en 1999, devenu depuis une success story avec plus de 9 millions de véhicules écoulés dans le monde. Artisan de l’alliance avec Nissan, Schweitzer a hissé Renault au rang de quatrième constructeur mondial.

Né en 1942 à Genève, petit-neveu du prix Nobel de la paix Albert Schweitzer et cousin de Jean-Paul Sartre, Louis Schweitzer était destiné à la haute fonction publique. Diplômé de droit, de Sciences Po et de l’ENA, il intègre l’inspection des finances avant de devenir directeur de cabinet de Laurent Fabius entre 1981 et 1986. Surnommé par Libération « premier ministre bis », il incarne alors l’ombre du pouvoir socialiste. En 1986, après la défaite de la gauche, il rejoint Renault sous la houlette de Georges Besse, assassiné peu après par Action directe. Schweitzer gravit rapidement les échelons : directeur financier en 1987, directeur général en 1988, puis PDG en 1992, succédant à Raymond Lévy. Le 6 novembre 2025, jour de la présentation officielle de la nouvelle Twingo 100 % électrique, Louis Schweitzer s’est éteint, comme un symbole involontaire.

Jean-Dominique Senard, Président du conseil d’administration de Renault Group rend hommage à Louis Schweitzer :

« Au nom de Renault Group, je tiens à saluer la mémoire de Louis Schweitzer, un dirigeant visionnaire et audacieux, dont l’engagement et l’exigence ont contribué à la modernisation et l’internationalisation du Groupe avec des lancements emblématiques comme Twingo et Mégane, l’acquisition de Dacia et la naissance de l’Alliance stratégique Renault-Nissan. Il a également défendu une vision humaniste de l’entreprise, mêlant performance économique et responsabilité sociale. Nous adressons nos sincères condoléances à sa famille et à ses proches. »

À la tête de Renault, il engage une mutation profonde. La privatisation de l’entreprise en 1996 marque la fin du statut de régie nationale. Il réduit les effectifs et prend des décisions controversées, comme la fermeture de l’usine de Vilvorde en Belgique en 1997, entraînant 3 000 licenciements et donnant naissance à la « loi Renault » sur les licenciements collectifs. Mais il est aussi l’homme des grands succès industriels. La Twingo, lancée en 1993, incarne l’audace stylistique et la démocratisation de l’automobile urbaine. Le Scénic, premier monospace compact européen, devient une poule aux œufs d’or. En 2004, Renault est sacré constructeur automobile le plus rentable d’Europe (hors Porsche et BMW).

Visionnaire, Louis Schweitzer comprend l’importance des alliances. Après l’échec du rapprochement avec Volvo en 1993, il rachète Dacia en 1999. La marque roumaine, relancée avec la Logan en 2005, conquiert l’Europe grâce à une stratégie de prix bas et une fiabilité reconnue. Aujourd’hui, Dacia Sandero est régulièrement la voiture la plus vendue aux particuliers en France. En parallèle, Renault prend le contrôle de Samsung Motors en Corée du Sud en 2000 et scelle en 1999 une alliance stratégique avec Nissan, basée sur des participations croisées. Cette alliance, pilotée ensuite par Carlos Ghosn, sauve Nissan de la faillite et propulse le groupe Renault-Nissan parmi les leaders mondiaux.

Louis Schweitzer est aussi celui qui repère et intronise Carlos Ghosn, recruté en 1996 chez Michelin. « Ghosn a été absolument exceptionnel dans le redressement de Nissan », dira-t-il plus tard, tout en critiquant la dérive de son management après 2010. En 2005, Schweitzer lui cède les rênes de Renault, après treize années de présidence marquées par une internationalisation accélérée et une modernisation profonde.

Après Renault, il poursuit une carrière institutionnelle. Président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (HALDE), coauteur avec Alain Juppé d’un livre blanc sur la France et l’Europe en 2009, président du Conseil des affaires étrangères en 2013, il s’engage aussi pour la cause animale. À la tête de la Fondation droit animal, éthique et sciences (LFDA), il milite pour un étiquetage clair des produits et obtient en 2021 la fin des delphinariums en France. Passionné de théâtre et de bande dessinée, il préside le Festival d’Avignon et fréquente assidûment la Comédie-Française.

Enfin, Louis Schweitzer laisse l’image d’un dirigeant à la fois technocrate et visionnaire, capable de transformer une régie nationale en multinationale ouverte sur le monde. Son héritage industriel reste marqué par la Renault Twingo, symbole de créativité française, et par le succès durable de Dacia, devenue l’une des marques les plus rentables d’Europe.

La rédaction

Photos : Renault et LesVoitures.com