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Ralentisseurs illégaux : bientôt tous légalisés ? Vers un scandale d’État

Alors que la sécurité routière reste un enjeu majeur en France, un projet gouvernemental suscite l’indignation : celui de rendre légaux, a posteriori, des ralentisseurs construits sans respecter les normes réglementaires en vigueur. Cette initiative, révélée dans une réponse ministérielle datée du 1er juillet 2025, adressée à la députée Annaïg Le Meur, soulève une vive controverse dans les milieux associatifs et citoyens.

L’association « Pour Une Mobilité Sereine et Durable (PUMSD) », engagée depuis des années contre les dispositifs routiers non conformes tels que les ralentisseurs illégaux est à l’origine de cette alerte. Selon PUMSD, le gouvernement envisage une mesure réglementaire. Cette dernière pourrait potentiellement prendre la forme d’un arrêté, dans le but d’entériner la légalité des milliers de ralentisseurs non conformes, environ 450 000 en France. Cela serait déjà étrange, car un arrêté se situe au troisième niveau de la hiérarchie des lois, après le décret et l’ordonnance ratifiée, cette dernière étant la plus élevée puisqu’elle a une valeur législative.

On en vient aux « petits arrangements entre amis » qui vont être discutés au niveau du ministère en charge des Transports, ce membres souhaitant couvrir le CEREMA, l’agence publique à l’origine d’un guide qui n’a jamais eu de valeur légale et sur lequel la très grande majorité des maires s’est appuyée depuis toujours pour installer les ralentisseurs devenus illégaux. Si le ministère des Transports s’engage dans la voie de « légaliser » tous les ralentisseurs de France a posteriori, c’est surtout pour que ces dispositifs routiers ne soient pas détruits dans le cas d’une décision d’un juge. En effet, cela coûterait très cher de détruire tous les ralentisseurs illégaux de France. Le dernier en date nous vient de Vallauris Golfe-Juan (Alpes-Maritimes – 06) et il est d’ailleurs en train d’être modifié.

Le ministère en charge des Transports souhaiterait alors répondre aux dernières jurisprudences et, le plus étonnant, à la décision prise par le Conseil d’État. Ce dernier, soit la plus haute juridiction administrative française a validé implicitement, en mars dernier, suite à une jurisprudence émise par la Cour administrative d’Appel de Marseille que le décret n°94-447 doit être respecté en France. Ce même décret est donc depuis la loi à suivre. Plus récemment, cette fois, de la Cour administrative d’Appel de Nancy, a émis une nouvelle jurisprudence de principe en s’alignant sur l’arrêt de la Cour administrative d’Appel de Marseille et de l’arrêt du Conseil d’État, indiquant que tout type de ralentisseurs devait être implanté conformément au décret n°94-447.

Pour aller un peu plus dans le détail, voici, en partie, ce qui apparaît sur la réponse ministérielle évoquée en introduction : « Les textes restent donc sujets à des interprétations diverses comme l’attestent les jurisprudences récentes sur le sujet. Aussi pour remédier à cette situation qui fragilise la pérennité des aménagements mis en place par les gestionnaires routiers dans un objectif d’apaisement de la circulation et de bonne cohabitation de l’ensemble des usagers sur l’espace public, le ministère en charge des transports a engagé une remise à plat du cadre réglementaire des ralentisseurs routiers, en lien avec les associations de collectivités locales dont Départements de France et l’association des maires de France. La nouvelle réglementation prendra la forme d’un arrêté qui portera sur l’ensemble des cinq types de ralentisseurs identifiés à savoir les dos d’âne, les passages piétons surélevés (ex. ralentisseurs trapézoïdaux), les coussins, les plateaux et les surélévations partielles en carrefour. Cet arrêté précisera non seulement les règles d’implantation et de signalisation mais également les caractéristiques géométriques des différents dispositifs, offrant ainsi aux gestionnaires de voirie, maîtres d’ouvrage de ces aménagements comme aux maîtres d’œuvre et aux entreprises qui les réaliseront, un cadre d’action clarifié. »

La manœuvre sérieusement envisagée par le ministère chargé des Transports pour légaliser tous les ralentisseurs aujourd’hui jugés illégaux aurait pour but d’exonérer les responsabilités des acteurs publics et privés impliqués dans l’implantation anarchique des ralentisseurs : élus locaux, services techniques, entreprises de travaux publics. Cette approche reviendrait donc à contourner les jurisprudences administratives citées dans le paragraphe précédent et et la décision prise par le Conseil d’État le 27 mars 2025. Si l’État français va jusqu’au bout de sa nouvelle démarche, cela menacerait clairement la sécurité juridique et mettrait en cause la neutralité des instances juridictionnelles. On pourrait donc dire qu’il s’agirait d’un scandale d’État.

Le président de PUMSD, Antonin Morelle, alerte sur cette possible atteinte grave à l’État de droit :

« Modifier aujourd’hui la réglementation dans le seul but de régulariser artificiellement des dispositifs non conformes constitue une atteinte grave à la sécurité juridique. Un tel changement, dicté par des considérations politiques et budgétaires, créerait une complexité inutile dans l’application des règles, tant pour les collectivités territoriales que pour les entreprises de travaux publics, mais aussi pour les usagers de la route et les associations qui les défendent. Surtout, cela reviendrait à vider de sa substance une jurisprudence désormais bien établie, que le Conseil d’État a confirmé dans sa décision du 27 mars 2025 (CE, 2e ch. jugeant seule, 27 mars 2025, n° 495623). En tentant de contourner cette décision par voie réglementaire, le gouvernement compromet l’autorité normative du juge administratif, fragilise la confiance dans le droit applicable, et porte atteinte – indirectement mais réellement – à l’indépendance des juridictions administratives, pourtant constitutionnellement protégée. »

Pour appuyer son alerte, PUMSD a dressé la liste des accidents graves liés à des ralentisseurs hors normes, reconnus comme tels par la justice, sur les dix dernières années. Parmi les cas recensés :

  • 2015 : décès d’un piéton de 91 ans dans le Var
  • 2016 : blessure grave d’un motard à Toulon
  • 2021 à 2025 : multiples cas de traumatismes sévères, handicaps permanents ou décès dans le Jura, la Moselle, Paris, la Seine-Saint-Denis, les Bouches-du-Rhône, la Savoie, les Alpes-Maritimes, l’Ain, la Seine-et-Marne et l’Essonne

Ces incidents, largement documentés, illustrent les conséquences potentiellement désastreuses d’une implantation non conforme, tant pour les motards, cyclistes que les piétons.

De plus, une étude publiée en 2022 par « Pour Une Mobilité Sereine et Durable (PUMSD) » et la « Ligue de Défense des Conducteurs » mettait déjà en lumière les impacts environnementaux des ralentisseurs illégaux, notamment une augmentation de 25 % de pollution atmosphérique, pourquoi ? Tout simplement car, au volant de sa voiture ou tout autre véhicule, vous êtes obligé de freiner avant de passer sur un ralentisseur, puis vous accélérez après l’avoir franchi. Lors du freinage, des particules fines sont aussi émises, de l’ordre de + 300 à 1 000 % lors d’un passage d’un véhicule sur un ralentisseur. Cette même étude démontre que la multiplication de ralentisseurs mal conçus entraîne aussi une surconsommation de carburant, une dégradation de la qualité de l’air, ainsi qu’une entrave logistique pour les services d’urgence, en particulier dans les cas d’accident vasculaire cérébral ou d’infarctus.

Selon les militants associatifs, cette tentative de régularisation des ralentisseurs illégaux qui va donc être menée par le ministère en charge des Transports ne constituerait pas une solution mais une fuite en avant. En validant rétroactivement des installations dangereuses, le gouvernement banaliserait leur impact et décrédibiliserait les efforts visant à encadrer strictement leur mise en place. Le dispositif réglementaire actuel permet déjà l’installation raisonnée de ralentisseurs dans les zones sensibles, notamment près des écoles ou des lieux à risque, sans déroger à la loi.

Enfin, face à ce projet qui constituerait à légaliser tous les ralentisseurs illégaux, que certains qualifient d’ »amnistie déguisée », les associations appellent à la vigilance citoyenne. Elles exhortent les pouvoirs publics à revenir à une politique cohérente fondée sur la sécurité des usagers, la protection des riverains et le respect de l’ordre juridique.

La rédaction

Photos : LesVoitures.com

 

Publié par
Frédéric Martin

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