Pour moi donc, un road trip, c’est ma caisse (un SLK 55 ndlr) et un lutin de parcours qui, nécessairement passe pas une frontière. Ne me demandez pas pourquoi mais c’est comme ça, il faut que je passe où que j’aille à l’étranger pour qu’un road trip prenne cette appellation. Alors, attention, je vous entends déjà, pourfendeurs de morale non respectée, j’adore également rouler en France, beaucoup, même mais je n’usite pas de ce terme.
Il n’y a pas de bons et de mauvais road trips, il y a le kiffe, en vrai. Cette émotion non seulement ressentie lors de la préparation de cet événement mais aussi durant la parcours et, aussi et surtout, lorsque l’on se remémore tout ce temps passé au volant. Passons au-dessus du débat, qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, si certains ne jurent que par la vanlife, pour moi, la monture idéale est un bon gros moteur dans une caisse, basta! La caisse, justement, très important car elle va vous procurer les moyens d’aimer ou de détester votre road trip, elle ne sera pas un élément véhiculant mais la façon de découvrir, parcourir, tout en étant potentiellement un facteur risque car on est jamais à l’abri d’une panne, casse etc. Notre mamie AMG est pour, ma femme Céline and i une sorte de couteau suisse, elle fait un peu tout, tout en étant peu onéreuse (oooouuuuhhh les rageux qui hurlent car je dis que l’utilisation d’un V8 de 5.5 l n’est pas onéreux, on consomme, en moyenne moins de 11l/100 soit un budget bien inférieur à des locations de mobile home).
Une fois le choix de l’arme effectué, nous ne sommes, à ce titre, pas xénophobes et accepterions volontiers une AMG GT cab ou une 8C, le choix doit se porter sur le sac de sable. Si d’aucuns aiment voyager seuls pas seulement parce qu’ils sont trop laids pour séduire une dame pour venir mais parce qu’ils ne souhaitent pas partager des émotions, le plus important est d’en fait choisir la personne avec laquelle on peut s’engueuler de façon urbaine. En effet, trouver quelqu’un de sympathique c’est faisable très aisément mais, partir avec quelqu’un avec qui il est agréable de s’engueuler, c’est plus dur. Ayez, pour ce faire, à l’esprit que notre bagnole est toute petite, c’est un roadster et que, par conséquent, si l’on se fait la gueule, c’est chacun dans notre mettre carré, cela peut devenir rapidement insupportable.
Il nous arrive de temps en temps de nous engueuler soit parce qu’elle m’indique le mauvais chemin soit parce que la direction n’est pas la bonne (private joke). Plus sérieusement, lorsque vous passez plusieurs heures par jour au volant avec un passager, il est quasi obligatoire que parfois, ça dégénère alors, vous devez être avec quelqu’un qui saura vous faire apprécier ce silence soudain pour mieux en parler lorsque les choses iront mieux, c’est à dire très rapidement.
Mais, revenons à nos moutons. Road trip donc, encore et toujours. Ceux qui ont la chance de nous connaître savent ô combien nous en sommes adeptes. On ne compte plus les milliers d’heures et de kilomètres passés ensemble non, on se contente de compter les pays traversés (33 à ce jour) non pour se la péter mais pour se la raconter. Non, ce comptage s’effectue par fierté, fierté de ce que l’on accomplit, au volant de notre taxi, avec nos moyens et nos passions. Cet été était plus particulier que les autres. D’abord Ecosse comme choix de destination, les aléas de la vie nous ont fait partir, de nouveau vers les Balkans. L’été dernier, c’était Albanie, Kosovo, cette année, ça sera Macédoine du nord. Un road trip “simple”, qui nous a fait faire une boucle. Italie/Slovénie/Serbie/Macédoine du Nord/Albanie chérie/Monténégro/Croatie/Slovénie/Italie. 5 500 km, 15 jours, il ne s’agit pas d’un challenge mais d’un timing que l’on a du tenir, les obligations d’agenda étant ce qu’elles sont.
Si le village de Camarès dans l’Aveyron du Sud où j’ai mes racines sert de base arrière, il y a toujours un passage par le lac de garde qui est notre passion commune. Il symbolise vraiment à nos yeux la dolce vita, surtout Gardone qui est notre fief avec le charme suranné du grand hôtel. Point nouveau cette année, nous avons découvert un agriturismo fabuleux (la villa Bissigna) dont la particularité est d’avoir une piscine naturelle, un régal.
Un road trip pour être complet, doit être contraignant ; non par choix mais parce que des journées sont tout de même dévolues à la route quasi pure afin de rejoindre une grande étape dont nous pourrons profiter. Ce fut le cas pour nous le jour de notre départ du lac de Garde (toujours à regret). Ce jour là au programme: Salò/Novi Sad en Serbie. En soi, rien de bien compliqué mais, mais, mais, les passages de frontières le sont toujours dans ces contrées où la guerre a laissé des traces sur les murs et dans les cerveaux.
Trois passages de frontières pour passer rapidement d’abord par notre Slovénie adorée (si vous ne connaissez pas, sachez qu’il y a donc plus important que d’avoir une Rolex à 50ans). La Suisse des Balkans mais en moins con comme mentalité, un peuple à la hauteur de son pays, charmant, ce pays vaut à lui tout seul un voyage. Second passage de frontière, l’arrivée en Croatie avec son amabilité légendaire… La Croatie que, d’aucuns ne connaissent que par la côte Dalmate de Porec en Istrie à Dubrovnik, recèle pourtant des trésors en interne, au delà même des lacs de Plitvice. Aventurez vous aux confins de la Salvonie pour découvrir les paysages et l’histoire de Vukovar (de sinistre réputation) et vous ne serez pas déçus, loin s’en faut. De plus, la frontière Serbe est juste à côté.
ATTENTION ALERTE ENLÈVEMENT. Si ton cerveau a été kidnappé, public, lit bien la suite. Peut-être vous l’aurez remarqué mais, sur l’aile avant droite de notre voiture, nous avons mis un sticker par pays visité. Lors de la traversée de ces pays, certaines règles doivent être connues eu égard à l’histoire. Ainsi, le drapeau Serbe est à enlever en Slavonie, de même que le Croate de l’autre côté de la frontière. Le plus important, pour nous, cette année, aura été d’enlever celui du Kosovo pour nous rendre en Serbie; cette dernière considérant toujours de facto cette province non seulement comme faisant partie intégrante du pays mais aussi comme étant le berceau de la mère patrie.
La Serbie, justement, parlons-en car nous venons juste d’y entrer. Enfin, “juste”, après de longggggguuuuuueeeesss minutes à la douane où, nécessairement, on prend un malin plaisir à ralentir tout ce qui est d’obédience catholique de Zagreb. Lorsque vous entrez en Serbie, c’est deux salles, deux ambiances. L’alphabet, déjà, même si l’alphabet normal comme disent les occidentaux est très présent, c’est toujours assez déroutant. La conduite ensuite où la règle qui prévaut c’est celle de celui qui va le plus vite. Second séjour en Serbie pour nous et toujours le même constat, c’est le bordel sur les routes. Preuve en est, dès notre passage de frontière, une A3 remonte en mode balek et pleine balle la BAU. Narmol.
Arrggh, Novi Sad, si vous ne connaissez pas et bien, dommage pour vous! Sa vieille ville, son hôtel Fontana, la gentillesse des gens, tout ça cassera la vilaine case où l’on veut enfermer le peuple élu des Balkans (du moins auraient-ils tendance à se considérer comme tel selon certains). Novi Sad englouti pour nous car ce n’était pas notre destination finale, nous traçons vers le sud via l’autoroute de très bonne qualitay qui permet de pousser jusqu’à chez les Ottomans.
L’arrivée sur Belgrade est toujours aussi majestueuse car vous passez par l’immense quartier de Novi Belgrade incarné par la tour Genex. Etonnamment on retombe rapidement dans la campagne, Belgrade est grande mais assez ramassée en termes de surface, du moins, le laisse-t-elle paraître. On dirait le sud, l’autoroute egrenne ses panneaux qui évoquent toujours autant de destinations à voir, revoir, Budapest, Zagreb, Sofia, Skopje….on y arrive. La Serbie c’est bien mais, qui dit Serbie dit monastères et croyances, un vrai peuple de bigot, certainement est-ce exaSERBÉ (ahah, ce jeu de mots) depuis que Belgrade est accusé, à tort ou à raison, de tous les maux de la région. Initialement, nous avions prévu de passer par le plus célèbre celui de Studenica, mais il aurait fallu doubler le temps de parcours.
Pour ton information, public, sache que le Kosovo n’étant pas reconnu par la Serbie, il n’existe pas de point de passage entre les deux, il te faut passer par la Macédoine du Nord et revenir de là-bas également en ayant surtout pas de tampon kosovar sur ton passeport pour ne pas te retrouver à la porte comme ton chat 250 fois par jour car tu en as marre qu’il n’arrête pas de sortir.
Manasija, ça te cause? Non, et bah nous non plus jusqu’à ce que nous y soyons allés et, je te prie de croire que nous ne sommes pas prêts de l’oublier tant le côté majestueux de ce monastère ceintré d’une muraille est imposant. Aussi imposant que la ganache de la dame qui encaisse les deniers issus de la vente de souvenirs dans la boutique d’ailleurs. Une fois Manasija visité, nous avons tracé directement vers Skopje que l’on a atteint en 4h. Le paysage est joli, il fait penser au Larzac, on dirait le sud encore une fois… A la frontière, le comité d’accueil est là, non pas plus de douaniers qu’ailleurs, non, des Roms qui ne laissent presque pas l’occasion de sortir de la voiture pour inaugurer le moment.
Skopje, qu’est que c’est que ce bordel??? On a l’impression d’arriver sur un tournage de Cécil. B DeMille. le projet Skopje 2014 est le programme de rénovation d’où tout vient, le bon, comme le moins bon. Mélange des genres, la Macédoine du Nord se cherche une identité, et donc un passé. Historiquement la grande majorité du territoire actuel était sous contrôle Grec d’où la qualité des relations entre les deux pays, Athènes n’acceptant pas le passé officiel Hellène de Skopje et considérant cette dernière comme une émulation Slave Bulgare et Serbe. Le nom même du pays a fait l’objet d’une bataille, Athènes refusant que le simple de nom de Macédoine (que porte sa province du nord) soit donné à ce pays. Ainsi, le nom officiel est Ancienne république Yougoslave de Macédoine ou Macédoine du Nord. Lorsque vous vous balladez dans Skopje, vous tombez d’ailleurs très fréquemment sur les anciens drapeaux (dont la Grèce ne voulait pas car il a été retrouvé dans la tombe d’Alexandre le Grand dont elle refuse que Skopje s’octroie l’héritage).
Skopje, oui, qu’est-ce que c’est que ce bordel?? C’est une capitale proche de l’Europe mais qui connait? Qui, déjà, sait que la Macédoine du nord est un pays ? Dans ce pays de 2M de personnes, c’est une des rares fois où nous n’avons pas entendu parler italien, anglais, espagnol, chinois etc. Personne ne vient si ce ne sont les Yougo comme on dit, toujours nostalgiques de l’ère Titiste. Skopje a la particularité de posséder un des plus beaux marchés, pardon, souk des Balkans. En effet, si sa population est orthodoxe à 80%, une grande proportion d’Albanais vit là. Cette cohabitation, assez difficile, exacerbe les tensions entre communautés où chacun revendique son territoire.
La vie nocturne à Skopje est vraiment particulière car on a l’impression que tous les habitants se donnent rdv pour déambuler dans ce petit centre ville où il n’y a même pas d’éclairage pour illuminer les bâtiments pas finis. La nourriture, très typée empire Ottoman est délicieuse et à des prix défiants toute concurrence! Après cette belle étape, direction le lac d’Ohrid qui est zeu attraction du pays. Passage par Tetovo et sa mosquée peinte de toute beauté pour arriver dans cette ville où tout s’est développé autour de la vielle ville et du lac.
Ah oui, j’oubliais, passage INCONTOURNABLE par le monastère Saint Jean Bigorski qui est d’une beauté incomparable. A noter, juste en face, sur le versant de la montagne, la présence d’une mosquée dans un village qui fait à peu près 3 fois la taille des maisons et dont la taille des minarets vous fait penser à Shaquille O’Neal à côté de Sarko. Nous sommes ici en pleine compétition entre orient et occident. A noter un restaurant à tester absolument : Tutto à Jance, un agriturismo où tout est local, et le site, les enfants, mon dieu que c’est grandiose.
L’arrivée à pieds en longeant le lac d’Ohrid à l’église Saint Jean de Kanéo fut très riche en émotions car point d’orgue du séjour. Le dîner fut tout aussi agréable, entourés de chats dalleux, pléonasme. Ce lac a la particularité d’être partagé en deux avec l’Albanie.
Nous avons donc décidé de rejoindre le pays favori de Liam Neeson en longeant toute la côte pour arriver au monastère de Naum absolument somptueux et se nichant dans une station balnéaire des plus sympathiques. A peine à quelques encablures de là, passage au pays des aigles et là, c’est deux salles, deux ambiances, de nouveau… Les routes deviennent hypothétiques, les décharges fleurissent, etc…
Mais, l’Albanie que nous avions déjà traversée a son charme, et nous, on adore! Découverte de Korcë et dodo à Tirana. Ahh, comme on aime cette ville, pas autant que Sarajevo mais cette année, nous avons pu voir et la Pyramide et la fresque. Pour les profanes que vous êtes, la pyramide est une vraie pyramide en béton que la fille de l’ancien dictateur, Enver Hoxa avait fait construire pour que cela devienne le mausolée de son père. La fresque est celle qui orne le musée de l’histoire et qui était en travaux l’année dernière. Une soirée à Tirana ça fleure les bonnes odeurs de viandes tant la multitude de restaurants est importante autour de l’ancien château. Tirana, à l’image de l’Albanie, a un charme, quelque chose qui marque et qui est attachant.
Mrizi i Zanave Agroturizëm, le lendemain. Ce ne vous dit peut-être rien mais si vous regardez sur Google image, la maison au mur ouvert vous parlera nécessairement d’autant qu’il s’agit du restaurant le plus réputé d’Albanie. Ici, tout est maison où provient des fermes environnantes, le cadre est magique également et le tout pour 20€/personne, à découvrir ABSOLUMENT.
L’Albanie ça touche quand on arrive et quand on en repart. Ainsi, après avoir fait bombance et découvert le pont de Mes, nous avons rejoint notre ami Ismaël au Monténégro afin de passer deux nuits dans ce havre de paix qu’est son établissement “La mandarine”. Situé en dehors du centre d’Ulcinj, il permet de découvrir cette superbe région, notamment l’île de Bojana tout en pouvant se retirer le soir dans un cocon. Le Monténégro fait également partie des pays proches mais dont on ignore presque jusqu’à son existence. Faites vous-même le test autour de vous, qui connait vraiment le Monténégro ?
La traversée du Monténégro a toujours été problématique pour nous… La première fois nous y sommes allés depuis notre base arrière de Dubrovnik et nous avons dû patienter de très longues minutes au poste douanier du retour. La seconde fois, l’année dernière mais, c’est de ma faute, nous avions décidé de rejoindre Ulcinj depuis Opatjia en Croatie, fatale erreur car, dès que vous êtes au Monténégro et, c’est valable pour l’Albanie, le Kosovo, la Macédoine du nord etc, il faut raisonner en heure africaine à savoir que les kilomètres ne comptent pas, seul le temps importe. Dès lors, l’année dernière nous avons vu tout le Monténégro…de nuit fatale erreur en effet que d’être passé, par exemple, devant la splendide cité de Sveti Stefan à Budva sans l’avoir vue.
Je reviens encore une fois sur les passages de douane qui peuvent s’avérer être très problématiques. Lors de notre premier séjour, l’entrée en Bosnie depuis le sud de la Croatie nous a plongé directement dans les méandres des blocages administratifs.. de longues heures d’attente, un douanier, plus méticuleux encore qu’un inspecteur du FISC prend un malin plaisir à abuser de ses droits. Il faut toujours avoir à l’esprit que, dans ces régions, zones, les stigmates de la guerre sont encore extrêmement présents et que l’on se venge dès que l’on peut. Ainsi, un ami nous a-t-il confié ne pas s’être senti en sécurité avec sa voiture louée à Tivat, au Monténégro lors de son passage en Dalmatie (les Serbes ont bombardé Dubrovnik depuis le Monténégro).
Autre exemple, l’année dernière lors de notre passage Croatie/Montenegro, nous avons remonté une file incommensurable de voitures, à l’arrêt dont les moins chanceux attendaient depuis près de 8h… provocant même la venue de marchands ambulants, c’est dire… La suite de notre périple s’est achevée en Croatie, à Primosten, que nous n’avions jamais fait…
A ce propos, on ne fait pas un pays, non, c’est le pays qu’on visite qui nous contruit, nous forge; les kilomètres avalés étant comme la construction intellectuelle, sa représentation du voyage. Le cheminement de l’imaginaire, c’est le compteur qui tourne, chaque kilomètre parcouru fait basculer entre les souvenirs du voyages et ceux que l’on va se créer, il n’y a pas d’instant zéro mais des instants zéro d’où tout part.
On ne fait pas un pays, on essaie de constituer les fondations pour y poser ses souvenirs, ses ressentis distillés par le pays car lui seul reste maître de ce avec quoi on repart. Ça s’apprivoise, comme un animal si tant est que l’on peut mais ça ne se dompte pas, on arrive pas en conquérants à défaut de ne pas comprendre les cultures, moeurs, traditions et repartir, cons d’occidentaux que nous serions avec un à priori qui nous ferait juste dire “c’est un pays de con/s”.
Enfin, “partir c’est crever un pneu” Coluche. Pour nous, partir c’est revenir crevés. Crevés, certes mais riches, riches de nouvelles rencontres, découvertes, cultures. La boucle était presque bouclée, retour dans le Rouergue pour digérer notre road trip aussi facilement qu’un aligot saucisse ! Prenez soin de vous, chaque jour est une vie, travaillons à la beauté des choses comme disait Laurent Sadoux de RFI.Retrouvez nos aventures sur FB et instagram : Un taxi et une trabi pour l’aventure.
Texte et Photos : Charles Oulan
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