C’est un virage stratégique majeur pour Hype. L’entreprise française, pionnière des taxis à hydrogène en France et gestionnaire de la plus grande flotte de véhicules à pile à combustible au monde, annonce son retrait total de ce secteur en Île-de-France. Ce désengagement intervient après dix ans d’engagement affiché pour une mobilité urbaine « zéro émission » et marque la fin d’une époque incarnée par ses emblématiques Toyota Mirai bleues sillonnant Paris et sa périphérie. Les Toyota Mirai bleues vont donc disparaître des rues de Paris et des routes d’Île-de-France.

Pour Hype, le facteur déclencheur de cette décision est clair : l’explosion des coûts de l’hydrogène. Alors que le prix du kilogramme avoisinait 12 € hors taxes en 2015, il avait chuté à 9 € en 2021, soit un signe d’espoir pour la filière. Mais l’embellie n’a pas duré. En 2025, le tarif s’envole à 16 voire 18 €, soit un doublement en 4 ans. Hype dénonce un coût par kilomètre jusqu’à cinq fois supérieur à celui d’un taxi électrique, une dynamique qui compromet la viabilité économique des voitures à hydrogène. Hype compte désormais sur les voitures électriques pour continuer à proposer ses services en Île-de-France. Sur LinkedIn, Hype a annoncé, le 18 juin dernier, l’arrêt de l’utilisation de la technologie à hydrogène pour ses taxis.

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Cette flambée est jugée d’autant plus incompréhensible qu’elle survient malgré des soutiens publics massifs : plans nationaux pour l’hydrogène, subventions, infrastructures promises à l’occasion des Jeux olympiques de Paris 2024. À l’époque des scientifiques avaient d’ailleurs critiqué l’utilisation de la Toyota Mirai (photo ci-dessous) qui ne représenterait pas une solution vertueuse pour l’environnement.

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Hype pointe du doigt un système verrouillé par deux géants de l’énergie, Air Liquide et TotalEnergies. Ces derniers ont investi dans la quasi-totalité des structures de distribution d’hydrogène en Île-de-France (HysetCo, Hy24, TEAL…), formant ce que l’entreprise qualifie d’« oligopole régional ». Le reproche : avoir verrouillé le marché sans garantir de compétitivité tarifaire, en l’absence de plans concrets pour démocratiser l’hydrogène vert. À Bruxelles, souligne Hype, l’hydrogène vert est vendu moitié moins cher qu’en région parisienne.

Autre coup dur : la chute inattendue de McPhy, unique fournisseur français d’électrolyseurs pour Hype, qui vient d’être placé en redressement judiciaire. L’entreprise y avait engagé près de 6 M€ sur 4 projets en Île-de-France. Ce revers industriel sonne comme un aveu d’échec pour une filière encore balbutiante de l’hydrogène en tant que carburant alternatif. Hype réclame désormais une intervention urgente des pouvoirs publics, notamment Bpifrance ou EDF, pour sécuriser les équipements en cours d’installation et éviter un arrêt brutal des différentes installations liées à la distribution d’hydrogène.

Malgré une visibilité médiatique importante, l’écosystème hydrogène peine à décoller dans la région capitale. En Île-de-France, le prix du kilogramme de H₂ reste l’un des plus élevés d’Europe. Plusieurs stations ont été annoncées depuis des années, certaines inaugurées, mais le rythme d’expansion reste trop lent. Selon un cabinet d’analyse, 99 % des projets hydrogène annoncés dans l’Hexagone ne disposent toujours pas de décision d’investissement définitive. Un constat qui renforce les doutes sur la sincérité des engagements pris par les acteurs de la filière. Dans ce contexte, Hype refuse de continuer à servir de « caution verte » à ce qu’elle considère comme du greenwashing.

Confrontée à l’impasse économique et industrielle, la société Hype a décidé de réorienter toute sa flotte francilienne vers les véhicules électriques à batterie. Selon ses calculs, le coût au kilomètre pour un taxi électrique est aujourd’hui environ cinq fois inférieur à celui de son équivalent hydrogène. Le maillage croissant de bornes de recharge en milieu urbain, accéléré notamment par le partenariat entre Hype et Electra, rend cette transition d’autant plus pertinente. Ainsi, à compter de cette année, tous les nouveaux taxis Hype déployés en Île-de-France seront donc 100 % électriques. L’entreprise ambitionne de reproduire le modèle initial, avec une flotte unifiée, visible, standardisée, mais composée à 100 % de voitures 100 % électriques. Le passage au tout-électrique doit permettre d’atteindre les objectifs zéro émission tout en assurant un modèle économiquement tenable.

Pour autant, Hype ne rompt pas complètement avec l’hydrogène. L’entreprise conserve une position ouverte pour certaines applications spécifiques, notamment les transports lourds (bus, poids lourds, véhicules de collecte, engins agricoles, etc.) où les batteries restent peu adaptées. Des projets sont ainsi maintenus avec des partenaires comme Lhyfe ou B.E. Green, qui investissent dans la production d’hydrogène vert en France.

Concernant les véhicules utilitaires légers, en particulier les vans adaptés aux personnes à mobilité réduite, Hype admet qu’aucune alternative n’existe actuellement pour utiliser des véhicules 100 % électriques. À ce titre, l’entreprise Hype déclare être prête à poursuivre l’utilisation de véhicules H₂, à condition de s’appuyer sur un partenariat industriel viable.

Enfin, malgré ce changement de technologie, des voitures à hydrogène aux voitures 100 % électriques, Hype ne dévie pas de sa mission initiale : électrifier l’intégralité des taxis et VTC en Île-de-France. D’ici fin 2025, plusieurs centaines de nouveaux véhicules électriques viendront renforcer sa flotte. L’objectif reste fixé : convertir les 60 000 taxis et VTC franciliens au tout-électrique d’ici 2030. Un défi colossal, mais jugé indispensable pour faire de la région capitale une vitrine crédible de la mobilité propre. Affaire à suivre…

La rédaction

Photos : Hype