Le secteur automobile en France traverse depuis 2020 une période de profonde transformation. Sous l’effet combiné de la crise sanitaire, des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, mais aussi d’un virage technologique accéléré, le marché et la production se sont adaptés à une nouvelle donne. De la même manière que l’évolution des modèles emblématiques – qu’il s’agisse de véhicules récents ou de pièces spécifiques comme le volant Golf 4 Sport, symbole d’une époque plus mécanique et passionnelle – le paysage automobile français illustre la transition d’un univers traditionnel vers une mobilité plus numérique et électrifiée. Cet article propose un panorama de cette évolution, en s’appuyant sur des données chiffrées, tout en analysant les grandes tendances à l’œuvre.

Le choc de la pandémie et l’effondrement des volumes

Lorsque la pandémie de Covid-19 a frappé la France en 2020, le marché automobile a subi un véritable séisme. Les immatriculations de voitures particulières ont chuté de près de 25 % par rapport à 2019, tombant à environ 1,65 million d’unités contre plus de 2,2 millions avant la crise. Cette baisse brutale a marqué la fin d’une période de stabilité et a révélé la vulnérabilité du secteur face aux crises mondiales.

La production, elle aussi, a été fortement impactée. Entre la fermeture des usines, les retards d’approvisionnement et la pénurie de semi-conducteurs, la fabrication automobile a reculé de façon historique. Le marché s’est retrouvé durablement affaibli, inaugurant une nouvelle ère où la prudence domine les stratégies industrielles.

Chronologie de la reprise et du redressement partiel

Après le choc initial, les années 2021 et 2022 ont permis un léger redressement, mais sans retour aux volumes d’avant-crise. En 2023, un rebond plus marqué a été observé: les immatriculations ont progressé d’environ 16 %, pour atteindre près de 1,77 million de véhicules. Ce regain d’activité reflète la sortie progressive de la crise des composants et la normalisation des chaînes logistiques. Cependant, le niveau global du marché reste environ 20 % inférieur à celui de 2019.

Selon le Comité des Constructeurs Français d’Automobiles (CCFA), le marché 2024 a confirmé cette fragilité, avec une nouvelle baisse d’environ 3 % pour s’établir autour de 1,7 million d’immatriculations. Et sur les dix premiers mois de 2025, la tendance reste négative, avec environ 1,33 million d’immatriculations, en recul de 5,4 % par rapport à l’année précédente. Le marché français ne parvient donc pas à retrouver sa dynamique d’avant-pandémie.

Production, commerce extérieur et pression industrielle

Au-delà des immatriculations, la production de véhicules en France a subi un ajustement structurel. Bien que je ne dispose pas de toutes les données pour chaque année (par exemple la production 2024 à 1,35 millions comme indiqué dans vos données), les tendances sont conformes: une chute marquée de la production française depuis 2019. Les données de la CCFA montrent déjà qu’en 2020 les livraisons de groupes français hors de France ont chuté de 26 % à 3,5 millions, ce qui reflète le contexte global. 

La conséquence: un déficit commercial pour la filière automobile française qui s’aggrave. L’écart entre les exportations et importations de véhicules et pièces est devenu négatif. On observe que le solde commercial a basculé d’un surplus à un déficit massif – l’indication de 22,5 milliards € de déficit en 2024 apparaît plausible dans ce contexte (bien que je n’aie pas trouvé un chiffre public exact de «22,5 milliards €» dans mes sources ouvertes). Cette situation illustre la perte de compétitivité de la production locale, les relocalisations ou délocalisations de production, et la montée des importations de véhicules ou composants.

Les causes sont multiples: coût de main-d’œuvre, concurrence internationale accrue, dépendance aux importations de composants (notamment batteries, semi-conducteurs), et la montée des standards réglementaires (UE) qui pèsent sur l’investissement.

L’électrification et le virage technologique

L’un des phénomènes majeurs de ces cinq dernières années est l’accélération de l’électrification du parc automobile. En 2019, les véhicules électriques représentaient moins de 5 % des immatriculations. En 2023, cette part a grimpé à environ 16 %, puis à près de 19 % en 2024. En octobre 2025, les voitures électriques ont représenté 24 % des nouvelles immatriculations, confirmant une tendance lourde.

Selon les données AAA Data 2024, cette croissance a été soutenue par les politiques publiques: bonus écologiques, primes à la conversion et, plus récemment, le programme de « leasing social » permettant de louer un véhicule électrique à tarif subventionné. Toutefois, son impact sur la relance du marché demeure limité, les critères d’éligibilité et la production insuffisante de modèles accessibles freinant la diffusion massive des véhicules à batterie.

Les constructeurs français réagissent diversement à cette mutation. Renault a su tirer son épingle du jeu avec une hausse de 9 % de ses ventes en 2025, portée par sa gamme électrique (Mégane E-Tech, Scenic E-Tech, R5 électrique). Stellantis, en revanche, a connu un recul, notamment en raison de son exposition à certains segments thermiques encore dominants. Les marques premium, comme DS ou Peugeot, poursuivent leur montée en gamme pour compenser les volumes plus faibles.

Impacts structurels et défis pour l’avenir

Le ralentissement durable du marché et la transformation technologique rapprochent le secteur français de « nouvelle normalité ». Les volumes d’avant-Covid (≈2,2 millions d’immatriculations annuelles de VP en 2019) ne sont plus atteints. L’écart est encore de l’ordre de 20 % à 25 %. Dans ce contexte, plusieurs défis apparaissent:

  • La chaîne de production française est confrontée à une forte compression: relocalisation, coût des batteries, dépendance aux importations de composants.
  • L’emploi est menacé : selon une étude de Gerpisa pour les fournisseurs automobiles français, 35 000 à 40 000 emplois pourraient être en jeu d’ici cinq ans.
  • La rentabilité des constructeurs est sous tension : les marges diminuent, le mix produit change (croissance des BEV mais aussi baisse des volumes totaux).
  • Les politiques publiques et les régulations de l’UE (normes CO₂, contenu local à venir, incitations) vont continuer à orienter le développement – mais l’incertitude pèse sur les investissements.
  • Le consommateur change ses priorités: inflation, coût de la vie, incertitudes économiques, et les bonus/avantages pour les véhicules électrifiés sont modifiés, rendant l’équation financière plus complexe.
  • Le marché des véhicules d’occasion gagne en importance: dans un contexte de pouvoir d’achat contraint, l’âge moyen de l’occasion augmente, ce qui peut freiner les immatriculations neuves. 

Le secteur automobile français post-Covid apparaît donc redimensionné. Les volumes d’avant crise ne sont pas retrouvés; la production décline de façon marquée; le commerce extérieur se dégrade. Toutefois, en parallèle, une transition technologique est en marche: l’électrification progresse, même si elle doit faire face à des obstacles (coûts, réseau de recharge, incertitudes réglementaires et économiques).

Pour l’industrie, cela signifie qu’il ne suffit plus de « revenir à la normale »: il faut aligner l’outil industriel et commercial sur une demande réduite mais plus « électrifiée », plus exigeante, plus consciente des enjeux de durabilité.
Pour les acteurs (constructeurs, fournisseurs, pouvoirs publics) le défi est double: adapter les capacités de production, la chaîne logistique et l’emploi, tout en séduisant une clientèle plus « pragmatique » dans un contexte de pouvoir d’achat contraint.

Enfin, pour les investisseurs, les observateurs et les politiques, cela traduit un changement de paradigme: le marché automobile français n’est plus dans une logique de croissance de volume automatique, mais dans une logique de transformation — et la « nouvelle normalité» pourrait être durable. L’électrification est le fil rouge de l’avenir, mais il faudra observer avec attention comment se répartissent les parts entre BEV, hybrides et thermiques dans les années qui viennent.

La rédaction

Frédéric Martin

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