Le constructeur automobile Renault a confirmé avoir été sollicité par le ministère des Armées dans le cadre de projets de défense, notamment autour de la production de drones militaires tactiques qui seraient produits en France pour être fournis à l’Ukraine. Dans une note interne confidentielle adressée à ses salariés le 24 septembre 2025, le groupe automobile détaille les opportunités industrielles mais aussi les risques liés à une telle collaboration, tout en affirmant qu’il ne souhaite pas devenir un acteur central du secteur militaire.
Ce document, révélé par Le Parisien, précise qu’il ne s’agit pas d’une annonce officielle, mais d’un effort de transparence destiné à « apporter des clés de lecture claires » aux équipes, alors que les discussions avec la Direction Générale de l’Armement (DGA) sont toujours en cours sur le sujet de la fabrication de drones militaires tactiques pour l’Ukraine. Renault indique avoir été « invité à contribuer à la réflexion autour de différents projets », au même titre que d’autres industriels français.
En juin dernier, Sébastien Lecornu, alors ministre des Armées, avait évoqué un « partenariat complètement inédit » entre une grande entreprise automobile française et une PME de défense, visant à mettre en place des lignes de production de drones militaires tactiques en Ukraine. Il s’agissait bien de Renault, qui a reconnu avoir été contacté, tout en précisant attendre des informations détaillées sur le projet. Les drones produits dans ce cadre seraient destinés à l’armée ukrainienne, mais aussi aux forces françaises pour des missions d’entraînement et d’adaptation aux nouveaux modes de combat.
Dans sa communication interne, Renault souligne qu’il évalue encore les avantages et les risques d’une telle participation. Parmi les bénéfices envisagés, le groupe cite « une opportunité économique rentable » et « un complément d’activité pour ses sites français ». Mais plusieurs points de vigilance sont également identifiés : la sécurité physique des sites, la cybersécurité, et les risques liés à l’image de Renault auprès de ses clients. Renault indique avoir déjà été la cible de trolls russes depuis les premières révélations sur le projet.
L’expertise industrielle de Renault est au cœur de cette réflexion. Le groupe dispose de compétences avancées en robotisation, logistique automatisée, gestion de flux complexes et montée en cadence rapide, qui pourraient être mobilisées pour la fabrication de drones militaires tactiques à grande échelle. Toutefois, Renault insiste sur le fait que cette éventuelle diversification ne doit en aucun cas compromettre ses investissements dans son cœur de métier, l’automobile. Le groupe automobile français ne vise pas à devenir un acteur majeur de la défense, mais à apporter un soutien industriel ponctuel, à condition que les projets soient pilotés par l’État, centrés sur la France, et réalisés en partenariat avec des industriels français du secteur.
Ce positionnement stratégique s’inscrit dans une logique de souveraineté industrielle, déjà exprimée par le ministère des Armées début 2024. À cette époque, Emmanuel Chiva, directeur général de l’armement, avait évoqué la nécessité d’impliquer les chaînes civiles, notamment des domaines de l’automobile et de la chimie, dans le but d’accélérer la production d’équipements militaires, dont des drones tactiques capables d’être produits par milliers en quelques mois.
Ce virage vers l’armement moderne avec, peut-être, la production de drones militaires tactiques pour l’Ukraine, bien que délicat, n’est pas sans précédent pour Renault. L’histoire du groupe est intimement liée à celle de la défense française. Dès la Première Guerre mondiale, Renault avait conçu et produit le célèbre char FT, premier char au monde à intégrer une tourelle rotative à 360°, une configuration qui deviendra la norme dans les blindés modernes. Léger, maniable et révolutionnaire pour son époque, le Renault FT a marqué un tournant dans l’histoire militaire et reste un symbole du génie industriel français. Ce passé militaire, souvent oublié, rappelle que Renault a déjà su mettre son savoir-faire au service de la nation dans des moments critiques.
Enfin, aujourd’hui, alors que les conflits contemporains redéfinissent les besoins stratégiques, Renault se retrouve à nouveau à un carrefour historique. Le groupe promet une communication transparente auprès de ses salariés et affirme que rien ne sera engagé sans une évaluation rigoureuse des impacts industriels, humains et éthiques. Le projet de drones militaires tactiques pour l’Ukraine, s’il se concrétise, pourrait marquer une nouvelle étape dans l’histoire du constructeur, entre mémoire, innovation et responsabilité.
La rédaction
Photos : LesVoitures.com et images générées par IA (Grok)
