Par ce terme de “loti” vient de se jouer le énième épisode de la bataille que se livrent les taxis représentés dans leur majorité par l’enseigne G7 et les VTC pour lesquels Uber est devenu incontournable. Pour le profane, “Loti” qui signifie “loi d’orientation des transports intérieurs” (ndlr), n’est rien d’autre qu’un terme administratif ; il est pourtant au coeur de la bataille actuelle. Derrière ce terme se cache un enjeu fondamental qui pourrait faire basculer le marché actuel du transport de personnes.
Jusqu’à présent, le combat avait été mené contre les VTC en tant que concurrence fiscale déloyale puis contre le système “uberpop” qui permettait à un particulier d’arrondir ses fins de mois en devenant chauffeur.
Face au chaos créé par l’arrivée de chauffeurs dits privés, la loi Thevenoud du 1er octobre 2014 a été instaurée dans le but de régir le fonctionnement de cette nouvelle profession.
Il convient en effet de rappeler, à ce propos, que le système des taxis en France, avant l’arrivée de cette concurrence n’a jamais voulu se réformer, préférant vivre sur un monopole total et plénipotentiaire ; système incarné par Nicolas Rousselet le dirigeant de G7 et taxis bleus.
A Paris, un peu plus de 17 500 taxis circulent soit 4 à 5 fois moins proportionnellement qu’à Londres ou New-York rappelle l’Autorité de la Concurrence dans son rapport du 13 décembre 2009. Entre 1990 et 2002, aucune nouvelle licence n’a été accordée sous le poids du lobby même si, l’obtention de ce sésame est gratuit.
Cette licence ou “ADS” pour autorisation de stationnement pour laquelle les taxis doivent s’endetter lourdement a vu sa valeur doubler depuis 2000. Autrement dit, les taxis en refusant d’abroger le numerus clausus afin de limiter au maximum la concurrence ont contribué à faire exploser le tarif de leur licence pour laquelle ils se sont endettés encore plus.
L’autre grande bataille des taxis fut celle contre les “uberpop”. Cette application permettait à tout un chacun de devenir chauffeur d’un soir au gré de ses desiderata et sous couvert, bien entendu, de s’être déclaré comme auto-entrepreneur.
Or, ce nouveau statut a été non seulement dénoncé par les taxis qui y voyaient une menace de plus mais également par les VTC professionnels qui y voyaient une menace interne à leur profession qui devenait accessible à tous et sans aucun contrôle législatif et fiscal. Le 22 septembre 2015, le Conseil Constitutionnel confirma l’interdiction prononcée en juillet contre uberpop mettant, un temps, le conflit en suspens.
Nouveau bras de fer la semaine dernière contre les “capacitaires”, ces chauffeurs de transports collectifs qui sont soumis à la Loti. Les capacitaires dont la formation est simplifiée par rapport à celle des VTC et qui peuvent emprunter les couloirs de bus ne doivent, selon la loi, pas transporter moins de deux personnes car considérés comme des transporteurs de groupe et collectif. Or, selon le fondateur de snapcar, Yves Weisselberer, un tiers des 15000 véhicules de tourisme avec chauffeur circulant dans Paris le font de façon “loti” ce qui est strictement interdit.
En effet, outre le fait que la majeure partie du temps il n’y a qu’un seul passager, les loti(s) concernés passent par les plate-formes de réservation.
Face à la grogne plus que pesante des taxis pour les Parisiens, le gouvernement a cédé une fois de plus en enjoignant aux centrales de type Uber de se désolidariser des leurs milliers de loti afin qu’ils ne puissent plus être réservés comme des VTC. Une tragédie selon l’association “mobilité transport” qui risque de laisser sur le carreau des milliers de capacitaires dont l’activité principale se faisait par le biais de ces centrales.
Ce jeudi 4 février d’ailleurs, les VTC ont organisé à l’appel d’une association de loti une opération escargot. Il est à noter toutefois que l’UNSA SCP-VTC, premier syndicat de chauffeurs se désolidarise de ce mouvement arguant qu’Uber est seul responsable de cette situation.
Les taxis semblent avoir porté un coup rude aux VTC la semaine dernière et pourront donc encore longtemps jouir de leurs droits régaliens. La concurrence, signe d’une société et de mentalités modernes n’est pas encore à l’ordre du jour.
Texte : Charles Oulan