« Maman les p’tits bateaux qui vont sur l’eau ont-ils des jambes ? » Le refrain de cette comptine fait désormais partie du passé ! A Lannion, non loin de la superbe Côte de Granit Rose, le Tringa T650 prend régulièrement la route pour rejoindre, en presque moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, la Manche. Voici un essai pas comme les autres, celui du très innovant premier « bateau routier » homologué pour rouler sur la route. Cet engin extraordinaire révolutionne, tout simplement, la mobilité des zones côtières, lacs inclus…
C’est un rêve et une idée folle qui sont devenus réalité pour Guirec Daniel, l’inventeur du « bateau routier » Tringa T650. Il y a 10 ans, les proches de cet ingénieur breton l’ont pris pour un fou lorsqu’il leur a évoqué son envie de créer un bateau capable de rouler. Aujourd’hui, Guirec peut être fier car, comme vous allez pouvoir le constater grâce à notre reportage, le Tringa T650 peut clairement être considéré comme un véhicule routier et marin high-tech extrêmement abouti.
Notre voyage en Bretagne débute ainsi à l’atelier de l’entreprise TRINGAboat. A notre arrivée, nous plongeons, sans jeu de mots ou presque, dans un nouveau monde, celui qui fait le lien entre les industries automobile et navale. Dans ce lieu, il règne une ambiance particulière car, le moindre boulon est parfaitement à sa place comme chez Aston Martin, Ferrari ou, encore, McLaren.
Guirec Daniel souhaitait un vrai bateau aux capacités de navigation de haut niveau mais, également, un « objet flottant et roulant » au design attrayant. C’est pourquoi il a confié le dessin du Tringa T650 à l’émérite architecte naval Pierre Delion. Avec ses optiques à LED (phares et clignotants), le Tringa « prend vie » tel un requin à quatre œils. A noter que notre modèle d’essai est en finition « Exclusive » soit la plus complète après les « Armoric » et « Premium ».
La teinte bleue du Tringa T650, inspirée par celle de la couleur historique de la marque de Dieppe, nous permet, de nouveau, de faire le lien entre l’automobile et la navigation, deux plaisirs de l’Art de Vivre à la française mais, attention, c’est loin d’être le seul point commun entre ces deux véhicules « made in France »… Une Alpine A110 Première Edition nous a donc accompagnés tout au long de notre essai. Elle nous rappelle notre formidable essai de l’Alpine A110S réalisé fin 2020.
Venons-en à la structure du Tringa T650… Elle est composée d’un châssis en Sealium dont la structure est en treillis, le Sealium étant un alliage d’aluminium à la fois hyper-résistant et léger. Sur cette plateforme pensée dans les moindres détails, comme l’ensemble du « bateau routier », par le génie Guirec Daniel, repose une coque moulée en polyester grâce à la technique de l’infusion sous vide.
Pour faire simple, cette méthode offre deux principaux avantages : le meilleur des performances mécaniques, comprendre un minimum de déformation tout en étant très légère. Alors, combien pèse un Tringa T650 à la sortie de sa chaîne de montage ? Seulement 1 526 kilos (avec moteur hors-bord de 150 ch – 1 463 kilos à vide). Avec un moteur Mercury de 175 ch, cela donne un rapport poids/puissance de 8,72 kg/ch.
Nous étions impatients de monter à bord du Tringa T650. Avant de prendre la direction de la fantastique Baie de Sainte-Anne de Trégastel, prenons le temps, comme lors d’une croisière, d’évoquer la législation qui fait de ce « bateau routier » une exception à plus d’un titre sachant qu’il est protégé par de nombreux brevets internationaux. Guirec Daniel s’est battu pendant des années pour obtenir son indispensable sésame à la commercialisation de son bateau à trois roues. Le Ministère de la Transition écologique, chargé des Transports et le Ministère de la Mer avaient bien donné leur accord mais, il a fallu attendre, au final, que le Ministère de l’Intérieur autorise le Tringa à circuler.
Alors quelles sont les contraintes pour rouler et impressionner les automobilistes et autres passants ébahis au passage du « bateau routier » ? La réponse est simple car, le propriétaire d’un Tringa devra déclarer, en préfecture, trois itinéraires de 10 km : le premier pour rejoindre la cale d’un port ou d’une plage, le second pour faire le plein d’essence à la station-service et, le troisième, pour l’entretien et dépanner éventuellement le moteur hors-bord auprès d’un spécialiste du domaine. Rien n’empêche alors de passer à la boulangerie le matin pour aller acheter sa baguette ou un bon Kouign-amann avant de prendre le large !
Pour cela, un décret spécifique a été publié, ce qui fait du Tringa T650 un véhicule répondant à sa propre et unique catégorie. Au-delà, des feux évoqués précédemment, le « bateau routier » dispose donc de rétroviseurs, de ceintures de sécurité, d’un frein à main, d’un essuie-glace, etc.. Alors, comme le dirait Michel Chevalet : « Comment ça marche ? »
Le Tringa T650, d’une longueur de 7,23 m (moteur hors-bord en place – 6,36 m hors-tout), roule sur ces trois roues montées de pneus tout-terrain à basse pression, grâce à un système hydraulique, ce dernier étant actionné par un bicylindre essence en V (cylindrée d’environ 700 cm³) d’une puissance de 25 chevaux. Quant aux trois roues, elles disposent donc de leur propre dispositif hydraulique. Ainsi, à l’identique des voitures les plus haut de gamme, l’intelligence électronique du Tringa T650 est capable de répartir le couple sur chacune d’entre elles en fonction des conditions de roulage. Cela s’avérera particulièrement pratique sur le sable, un système d’antipatinage étant aussi au programme.
Quant à la suspension du Tringa T650, elle est munie d’amortisseurs hydrauliques qui offre trois niveaux : bas, intermédiaire et haut. De quoi rentrer plus facilement le « bateau routier » dans son garage ou passer au-dessus des rochers. Précisons qu’en position basse, le T650 roule tout droit car, sa seule roue directionnelle est quasiment entièrement cachée sous la coque.
A bord du Tringa, à une vitesse de 16 km/h sur la chaussée située le long du Port de Ploumanac’h, les bateaux qui baignent dans ce paysage de carte postale nous apparaissent alors comme des embarcations d’un temps révolu. Imaginez-vous alors sortir votre « bateau routier » par votre jardin comme vous pourriez le faire avec votre Alpine A110. On touche ici à l’un des nombreux avantages du Tringa qui peut accueillir un maximum de 6 occupants sur l’eau (4 sur la route) !
Plus besoin d’une place au port ou, même d’un service d’hivernage hors saison estivale. De plus, monter à bord du « bateau routier » après avoir fermé les portes de sa maison bretonne, c’est quand même beaucoup plus pratique que de jouer à l’équilibriste sur un embarcadère souvent glissant et lorsque la mer fait bouger le bateau à l’arrivée à bon port.
Conduire le Tringa T650 se révèle être un jeu d’enfant. Sa tablette tactile offre l’accès à toutes les fonctionnalités du véhicule alors qu’un grand écran tactile de 12″ ne servira pas qu’à la navigation GPS en mer ou à afficher une instrumentation numérique car, le « bateau routier » breton est résolument high-tech. Il est notamment équipé d’une direction assistée et de plusieurs caméras.
A cela s’ajoute un rayon de braquage de seulement 7,5 m. Sur route, on évolue uniquement en position intermédiaire. Cela suffit amplement à rendre jaloux ceux qui ne jurent que par les SUV pour « dominer » les autres usagers de la route. Il est même possible d’équiper le « bateau routier » d’un Tringa Sound System : enceintes, amplificateur et connexion audio en Bluetooth.
De retour à la Baie de Sainte-Anne, on passe du bitume au sable avec une facilité déconcertante. Direction la « grande bleue ». On en vient au grand moment de notre essai après avoir circulé sur la plage et être passé tout près du château de Costaérès.
Lorsque le bateau commence à flotter, on ressent alors une sensation assez extraordinaire, les termes « liberté » et « mobilité » pouvant alors être le plus naturellement associés, ce qui est loin d’être le cas ailleurs en France, surtout à Paris… bref ! A cet instant, on met à l’arrêt le moteur routier et on enclenche le système qui remonte les roues. Puis, l’eau est vidée du caisson avant étanche par une pompe. Entre-temps, on met en marche le moteur hors-bord. Selon les modèles, plusieurs configurations sont possibles, de 115, 150 chevaux en Honda et de 175 chevaux en Mercury. Cette fois, sur notre droite, ce sont « la maison Eiffel » et son « Chapeau de Napoléon » qui nous proposent un fantastique décor.
Sur l’eau, face à la houle, le Tringa T650, en breton qu’il est, n’a peur de rien et fend la houle efficacement. D’une maniabilité de haut niveau, ce bateau en est bien un digne de son nom dans le sens noble et efficace du terme. Pierre Delion a créé une embarcation qui génère un maximum de plaisir tout en assurant le confort de ses « marins ». Pour exemple, après notre balade en mer, le pare-brise avant n’était sali que de quelques gouttes. A l’avant du Tringa, on ne reçoit d’ailleurs pas une seule projection d’eau ! Christophe Le Bitoux, notre hôte, Directeur Commercial chez TRINGAboat, a pourtant bien essayé de nous arroser, sans succès, le Tringa T650 pouvant atteindre une vitesse de 35 noeuds voire 40 noeuds avec un moteur hors-bord Mercury de 175 ch.
On en vient à un autre terme utilisé pour parler d’une automobile : polyvalence ! Le Tringa répond aussi à une polyvalence maritime car, il peut être configuré en bateau de plaisance, de pêche, de plongée avec une multitude d’options au choix et selon les modèles : pont au rendu en teck (T650 Exclusive), bimini, taud, bain de soleil, échelle de plongée, mât de ski nautique, bac de pêche, etc… Les possibilités de personnalisation sont pléthores, le Tringa pouvant évoluer en mer mais aussi en eau douce comme sur le lac d’Annecy.
De retour vers la plage, des touristes ont bien cru que nous allions nous échouer jusqu’au moment où, le bateau est sorti de l’eau sur ses roues… L’agent secret James Bond 007 n’aurait pas fait mieux !
En conclusion, Guirec Daniel révolutionne bel et bien l’univers de la plaisance avec son « bateau routier » qui commence à faire parler de lui jusqu’aux Etats-Unis. On en revient au plaisir ressenti au volant d’une Alpine, une voiture que l’on doit, bien sûr, à l’origine, à un autre génie français, Jean Rédélé. En partant de Dieppe par la route, après un road-trip le long des côtes normandes et bretonnes, on aurait alors adoré observer une bonne poignée de main entre Jean Rédélé et Guirec Daniel ou… de la route à la mer en France. Ils auraient alors pu échanger les clés de leur engin à sensations fortes. Enfin, un Tringa T650 s’offre à partir de 132 500 € (finition « Armoric »).
Texte et essai : Frédéric Lagadec
Photos et vidéo : LesVoitures.com (Thomas de Chessé)