Leur prolifération dans les centres urbains, autrefois saluée comme une avancée écologique et pratique, est désormais au cœur d’une crise sécuritaire. Les trottinettes électriques, devenues omniprésentes dans les rues françaises, sont aujourd’hui synonymes de danger croissant. Les chiffres s’emballent, les témoignages s’accumulent, et les professionnels de santé tirent la sonnette d’alarme : les accidents liés à ces engins explosent, et leur gravité dépasse désormais celle des collisions automobiles.
Depuis plusieurs mois, les forces de l’ordre locales multiplient les opérations de sensibilisation liées à l’utilisation des trottinettes électriques. Dans des départements aussi variés que l’Ariège, l’Indre, le Loiret, l’Hérault ou le Pas-de-Calais, les autorités constatent une recrudescence inquiétante des accidents impliquant des trottinettes électriques. Les contrôles se durcissent, les campagnes de prévention se répètent, mais le phénomène semble hors de contrôle. À Lens, par exemple, trois accidents ont été recensés en un seul mois, dont deux impliquant des adolescentes. Une série noire qui illustre la vulnérabilité des usagers, souvent jeunes, souvent peu protégés. Dans un autre domaine lié à la mobilité urbaine, les voitures sans permis représentent aussi un sujet polémique, sachant qu’en 2024, 34 morts ont été recensés en France métropolitaine, selon l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière (ONISR).
Mais le signal d’alarme ne vient plus seulement des commissariats. C’est désormais le monde médical qui s’exprime publiquement, avec une gravité inédite. Dans les colonnes de La Voix du Nord, Roch Joly, chef du Samu du Nord, révèle une donnée effrayante : dans son département, les accidents graves en trottinette sont « près de deux fois plus » nombreux que ceux en voiture. « Un cap a été franchi », alerte-t-il. Le Pr Rabih Aboukaïs, neurochirurgien au CHU de Lille, confirme cette tendance : les blessures sont plus nombreuses, plus sévères, plus complexes à traiter. « Ils roulent vite, trop vite sur leur trottinette électrique », insiste-t-il, soulignant l’imprudence généralisée des utilisateurs de trottinettes électriques.
La Sécurité routière, elle aussi, dresse un constat alarmant. Les EDPM (Engins de Déplacement Personnel Motorisés), dont les trottinettes électriques sont les figures de proue, affichent une progression dramatique du nombre de morts. Entre avril et juin 2025, 11 personnes ont perdu la vie sur ces engins. Si ce chiffre reste inférieur à celui des automobilistes (361 morts sur la même période), la hausse est vertigineuse : +57 % par rapport à 2024. En 2023, 45 décès avaient été recensés, soit plus de quatre fois le total de 2019. Une courbe exponentielle qui ne laisse plus place au doute.
Face à cette montée des risques, l’État avait tenté une réponse en 2023. Le plan national de régulation avait relevé l’âge minimum d’utilisation d’un EDPM de 12 à 14 ans, et renforcé les sanctions pour certaines infractions, comme le transport de passagers. Mais le port du casque, pourtant crucial, n’a pas été rendu obligatoire en milieu urbain. Il reste simplement recommandé, une mesure jugée insuffisante par de nombreux experts. Si le nombre de morts a été stabilisé entre 2024 et 2025, la gravité des blessures continue d’augmenter. Le dernier baromètre de la Sécurité routière, publié en juin, recense 900 blessés graves sur les 12 derniers mois, soit une hausse de +28 %. « De nombreuses actions de prévention sont conduites par les préfectures », rappelle l’institution, sans masquer l’ampleur du problème.
Le débat sur un durcissement législatif s’intensifie. Dans le Pas-de-Calais, le maire d’Auchy-les-Mines, Jean-Michel Legrand, s’est exprimé après deux accidents, dont l’un a coûté la vie à un adolescent de 15 ans. « Si les utilisateurs de trottinette ne sont pas toujours responsables des accidents selon les situations, n’empêche qu’ils ne sont pas protégés suffisamment », affirme-t-il. « Il est temps qu’il y ait une législation plus sévère pour ceux qui circulent en trottinette, même pour les plus prudents. »
Au-delà des frontières françaises, la question fait également débat au sujet des trottinettes électriques. En Suisse, un conseiller national propose une réforme radicale : rendre obligatoire l’immatriculation des trottinettes, instaurer un permis de conduite spécifique, et imposer le port du casque. Une proposition qui pourrait préfigurer une nouvelle ère de régulation, face à une mobilité urbaine qui, sans encadrement strict, menace de devenir incontrôlable.
Enfin, ce qui était autrefois perçu comme un progrès technologique et écologique est en train de se transformer en crise sanitaire et sécuritaire. Les trottinettes électriques, si elles ne sont pas mieux encadrées, risquent de devenir les symboles d’une urbanité en déroute, où la vitesse et la légèreté prennent le pas sur la prudence et la responsabilité.
La rédaction
Photos : LesVoitures.com
