L’Europe se retrouve aujourd’hui face à un choc industriel d’une ampleur inédite. La concurrence chinoise, désormais omniprésente, impose un tournant historique : pour la première fois, le Vieux Continent va importer davantage de voitures venues de Chine qu’il n’en exportera vers l’empire du Milieu. Un basculement brutal, symbole d’un recul industriel qui frappe de plein fouet les secteurs stratégiques, tandis que Paris et Bruxelles peinent encore à définir une riposte crédible.

La réindustrialisation tant vantée par la France, articulée autour de « la préférence européenne », n’a pas produit les résultats espérés, surtout dans le domaine des voitures électriques. Le cabinet du ministre délégué à l’Industrie, Sébastien Martin, l’a reconnu sans détour en fin de semaine, évoquant une fin d’année « extrêmement dure et compliquée pour l’industrie européenne dans son ensemble », y compris pour des bastions historiques censés résister aux secousses. Carlos Tavares, l’ex-patron de Stellantis, a récemment de nouveau alerté sur un probable effondrement de l’industrie automibile européenne.

voitures électriques chinoises

Le constat est implacable : la chimie, la plasturgie, la métallurgie et bien sûr l’automobile sont attaquées de toutes parts. Les puissances étrangères, en particulier la Chine, ont pu s’implanter et se développer à leur guise sur le marché européen. En France, mais surtout en Allemagne, où la combinaison d’une énergie hors de prix et d’une offensive chinoise féroce explique l’effondrement de la production industrielle et les milliers d’emplois sacrifiés. La première fédération industrielle allemande parle désormais de « décrochage structurel ». Un mot lourd de sens pour un pays dont la dépendance économique vis-à-vis de Pékin est devenue un piège, contraignant Berlin à ménager la chèvre et le chou.

Le symbole est glaçant : en 2025, les États membres de l’Union européenne importeront plus de voitures chinoises qu’ils n’en exporteront. C’est le Clifa (Comité de Liaison des Industries Fournisseurs de l’Automobile, qui regroupe les six principales organisations de fournisseurs français) qui tire la sonnette d’alarme. L’organisme rappelait déjà cet été que « fort de son avantage compétitif, la Chine déploie une stratégie coordonnée d’expansion à l’étranger, soutenue par des subventions qui faussent la concurrence dans l’industrie des pièces automobiles. »

En réaction à cette situation économique plus que délicate, Ford et Renault viennent d’annoncer un partenariat dans le but de développer deux voitures électriques qui seront commercialisées en 2028. Face à la Chine, à deux, on est plus forts.

De retour d’une visite officielle en Chine, Emmanuel Macron tente de durcir le ton. Le président de la République a prévenu que si Pékin ne prenait pas rapidement des mesures pour réduire le déséquilibre commercial abyssal avec l’UE, l’Europe devra « prendre des mesures fortes », notamment en augmentant ses droits de douane « dans les tout prochains mois ». Dans les colonnes de Les Échos, il a dénoncé les effets pervers des surtaxes imposées par la Maison Blanche : « Cela accroît nos problèmes en redirigeant les flux chinois massivement sur nos marchés. Aujourd’hui, nous sommes pris entre les deux et c’est une question de vie ou de mort pour l’industrie européenne. » Avant d’ajouter : « Les investissements chinois en Europe ne doivent pas être prédateurs, c’est-à-dire être faits à des fins d’hégémonie et de création de dépendances. »

Enfin, ces mots lourds, tels des avertissements répétés, représentent une réalité qui s’impose avec une brutalité implacable : l’industrie européenne, et en particulier l’automobile, vacille au bord du gouffre.

La rédaction

Photos : BYD et LesVoitures.com

Frédéric Martin

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