Lors de la dernière édition de la Rencontre des Pneus et Innovations, Luc Chatel, président de la Plateforme automobile (PFA), a tenu un discours sans détour sur les menaces pesant sur l’industrie automobile en Europe. Évoquant une situation critique, il a affirmé que « l’industrie automobile en Europe pourrait disparaître », une déclaration qui a immédiatement suscité l’attention des professionnels présents. Luc Chatel s’est donc aussi exprimé sur la date « fatidique » de 2035.
Selon Luc Chatel, trois éléments majeurs menacent la pérennité de l’industrie automobile européenne : la crise des volumes, car en privilégiant le « pricing power », les constructeurs automobiles ont relevé leurs prix au détriment des volumes de vente. Une étude du cabinet C-Ways montre que les prix ont progressé de 25 % entre 2020 et 2024. Cette inflation découle notamment de la hausse des coûts des matières premières (+6 %), du développement de l’électrification (+6 % également), de la montée en gamme (+8 %) voulue par les constructeurs et d’une stratégie assumée de hausse tarifaire (+4 %). Au final, l’augmentation des prix est en grande partie imputable aux choix stratégiques des marques, rendant l’équation économique difficile dans un secteur historiquement basé sur les volumes. Concernant les voitures électriques, Luc Chatel ne mâche pas ses mots.
Ainsi, Luc Chatel critique la manière dont l’Union européenne (UE) a engagé la mutation écologique du secteur vers les voitures 100 % électriques. « L’Europe n’a pas écouté les constructeurs et les industriels », affirme-t-il, dénonçant une trajectoire trop rigide. Il qualifie la décision d’interdire les ventes de véhicules thermiques neufs à partir de 2035 de « dogmatique », plaidant pour une « neutralité technologique » permettant diverses réponses à l’impératif de réduction des émissions. Il ajoute que le secteur devra se conformer à près de « 100 nouvelles réglementations » d’ici 2030.
L’impact économique de la Chine sur le marché automobile mondial est indéniable. Avec environ 30 millions de véhicules exportés par an, sur un total de 90 millions produits, le géant asiatique redistribue les équilibres commerciaux. En 2024, l’UE enregistrait un déficit commercial de 1,6 milliard d’euros sur les pièces détachées avec la Chine, selon l’Insee. Chatel prévient que cette dynamique pourrait conduire à l’affaiblissement des équipementiers européens, potentiellement « mangés » par leurs homologues chinois. Il appelle à un accueil des entreprises chinoises « selon nos règles », suggérant une réciprocité avec les joint-ventures exigées par Pékin.
Face à ces défis, des idées émergent. Le PDG de Stellantis, John Elkann, a récemment évoqué une piste inspirée du Japon : relancer les petites voitures en Europe par le biais des célèbres kei cars. Luc Chatel approuve l’initiative, indiquant « qu’il y a un chantier en ce sens », mais pointe aussitôt les obstacles réglementaires. Il illustre son propos en évoquant la disparition de la Renault Twingo, « morte à cause des normes Euro », précisant que si les véhicules du segment C parviennent à absorber ces contraintes, ceux du segment A en sont incapables.
Enfin, malgré une analyse précise de la situation, les pistes concrètes pour redresser le secteur restent en suspens. Luc Chatel dresse un tableau inquiétant, pointant à la fois les choix politiques, économiques et géostratégiques comme des éléments d’un enchaînement potentiellement fatal pour l’industrie automobile européenne. Le temps presse, car 2035, « c’est demain » avec les voitures électriques qui « prendront le pouvoir » sur le marché automobile européen, mais les réponses se font attendre.
La rédaction
