Dans un contexte économique mondial de plus en plus instable, Porsche vient d’annoncer un changement radical de cap qui pourrait bouleverser l’avenir du groupe Volkswagen. Face à une concurrence chinoise féroce, à des taxes douanières américaines dissuasives, à un coût de production européen en constante hausse et à un marché de la voiture électrique en net ralentissement, le constructeur de Stuttgart suspend plusieurs projets électriques majeurs pour relancer ses modèles thermiques et hybrides rechargeables.

Ce revirement stratégique, bien que prévisible, marque un tournant majeur pour le domaine des voitures électriques. Officialisée par Oliver Blume, PDG de Porsche et du groupe Volkswagen, cette décision aura des conséquences en termes de coût. Selon les estimations internes, cette réorientation pourrait engendrer une perte de plus de 5 milliards d’euros sur les cinq prochaines années. Les marges opérationnelles de Porsche, initialement prévues entre 5 % et 7 % pour 2025, sont désormais revues à la baisse, autour de 2 %, soit moins que celles de Skoda et trois fois inférieures à celles de Renault.

Porsche voitures électrique Volkswagen

Voici ce qu’a déclaré Oliver Blume au sujet de cette décision de changement radical de stratégie concernant les voitures électriques. Avouons que Blume ne semble pas être très optimiste :

« Nous avons pris des décisions stratégiques clés. Il est maintenant temps de les mettre en pratique. Le chemin sera long et difficile, et il exigera toute notre attention et nos efforts. »

Ce changement de cap affecte directement plusieurs modèles clés de la gamme Porsche. Le futur SUV de grande taille, initialement prévu comme 100 % électrique, sera finalement lancé en version thermique et hybride rechargeable PHEV. Le lancement des 718 électriques est reporté, tandis que les modèles thermiques comme le Cayenne et la Panamera verront leur cycle de vie prolongé. Même le Macan thermique, pourtant remplacé par une version électrique, pourrait faire son retour en 2028 pour certains marchés, en version hybride rechargeable et sous un nouveau nom.

Les mots, lourds de sens, prononcés par Oliver Blume, traduisent l’ampleur des défis auxquels le groupe Volkswagen est confronté dans le domaine des voitures électriques. Car modifier la trajectoire d’un géant industriel comme Volkswagen ne se fait pas sans conséquences. Les investissements massifs déjà engagés dans l’électrification, notamment dans la plateforme SSP (Scalable Systems Platform), devraient être réévalués, voire partiellement abandonnés.

À ce titre, rappelons qu’il y a quelques mois, Porsche a mis fin à sa collaboration avec Cellforce, la filiale dédiée au développement de batteries haute performance. Ce retrait a également eu pour effet de ralentir considérablement l’innovation électrique du constructeur automobile allemand. De plus, pour revenir un peu plus en détail sur la plateforme SSP (Scalable Systems Platform), développée avec Volkswagen, elle a pris du retard, faute de pouvoir être rentable à moyen terme.

Sur le plan financier, les conséquences sont déjà visibles. La marge opérationnelle visée pour 2025 est désormais estimée à seulement 2 %, contre 5 à 7 % initialement prévus. À plus long terme, Porsche espère revenir à une rentabilité de 15 %, alors que les projections récentes tablaient encore sur 15 à 17 %. Comme évoqué en introduction, ce recul place Porsche derrière des marques comme Renault ou même Skoda en termes de rentabilité, une situation inédite pour la marque automobile sportive et de luxe allemande. Cette baisse s’explique par la mobilisation de ressources financières pour maintenir et relancer les modèles thermiques, dans l’espoir de préserver les volumes de vente sur les marchés clés, afin, in fine, de réagir aux faibles ventes des voitures électriques. Oliver Blume a d’ailleurs rajouté :

« Nous vivons des changements massifs dans l’environnement automobile. C’est pourquoi nous réajustons Porsche sur toute la ligne. Nous voulons répondre aux nouvelles réalités du marché et aux besoins changeants des clients avec des produits enthousiasmants et des résultats financiers solides. »

Ce virage stratégique intervient alors que l’Union européenne maintient, pour l’instant, son cap vers l’interdiction des ventes de voitures thermiques et hybrides neuves  à partir de 2035, même si la clause de revoyure, prévue pour être étudiée en 2026, devrait l’être dans les prochaines semaines. Ainsi, Porsche et Volkswagen espèrent un assouplissement de cette réglementation, notamment sous l’impulsion d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. En attendant, le groupe doit composer avec une double incertitude : celle des politiques environnementales et celle des dynamiques du marché automobile lié aux voitures électriques. Car si l’Europe impose des normes de plus en plus strictes, les États-Unis taxent lourdement les voitures électriques importées, et la Chine inonde le marché mondial avec des modèles à bas coût, comme ceux de BYD, NIO ou Xpeng.

Dans ce contexte, Oliver Blume, souvent surnommé « le patron du mardi au jeudi » en raison de sa double casquette à la tête de Porsche et de Volkswagen, devra gérer une crise industrielle sans précédent. La cohérence stratégique du groupe Volkswagen est mise à rude épreuve, tout comme sa capacité à maintenir une image d’innovation et de performance. Ce virage vers le thermique, s’il permet de répondre à une demande immédiate, pourrait compromettre, à long terme, les ambitions du groupe en matière de transition énergétique.

Enfin, ce que révèle cette décision liée aux voitures électriques, au-delà des chiffres et des modèles, c’est la fragilité du modèle industriel européen face aux bouleversements géopolitiques et technologiques. Si Porsche, fleuron de l’ingénierie allemande, vacille, c’est tout un pan de l’industrie automobile qui pourrait être remis en question. Le chemin sera long, difficile, et semé d’embûches. Mais il est désormais tracé.

La rédaction

Photos : Porsche