Depuis la pandémie de Covid-19, la route française est devenue encore plus dangereuse pour les usagers dits vulnérables. Piétons, cyclistes, adeptes des trottinettes électriques ou des engins de déplacement personnel motorisés, mais aussi conducteurs de deux-roues, tous voient leur part dans les accidents mortels et graves progresser. Ce glissement statistique traduit une réalité inquiétante : la fragilité de ces publics face à un trafic routier qui ne cesse de se complexifier, surtout avec les voitures sans permis de plus en plus présentes.

Mais un chiffre en particulier devrait faire frémir les autorités. Celui des décès liés aux voiturettes, ces voitures sans permis qui se sont largement démocratisées ces dernières années, notamment grâce au succès du quadricycle électrique Citroën Ami. En 2024, la mortalité dans ce segment a bondi de +48 %, atteignant 34 décès, contre un bilan bien plus bas en 2023. Une progression brutale qui met en lumière la dangerosité de ces véhicules, souvent perçus comme une alternative rassurante pour les jeunes ou les conducteurs non titulaires du permis, mais qui, en réalité, exposent leurs occupants à des risques majeurs.

La comparaison avec les deux-roues est éclairante : sur une moto ou un scooter, le danger est palpable, visible, presque instinctif. Le conducteur sait qu’il est vulnérable, qu’il doit redoubler de vigilance. À l’inverse, les voitures sans permis créent une illusion de sécurité. Avec leur habitacle fermé, leurs portes et leur volant, elles donnent l’impression d’offrir une protection comparable à une automobile classique. Or, ses caractéristiques techniques, poids réduit, vitesse limitée, absence d’équipements de sécurité avancés, en font des véhicules bien plus exposés, en cas de choc.

voitures sans permis Citroën Ami

Une série de crash-tests menée par l’émission allemande Auto Mobil en partenariat avec Dekra a mis en lumière les failles structurelles des quadricycles légers et donc des voitures sans permis. À 45 km/h, une Citroën Ami et une Aixam Crossline ont été projetées contre une barrière déformable avec un chevauchement de 40 %, simulant une collision avec une voiture.

 

Malgré une apparente résistance de la structure, l’absence d’airbags et la rigidité du châssis ont provoqué des transferts d’énergie violents vers les occupants. Dans la Citroën Ami, la tête et le torse du conducteur ont heurté le volant, entraînant des mouvements cervicaux jugés potentiellement mortels. L’expert de Dekra conclut sans détour : « Il est très probable qu’un occupant n’aurait pas survécu à cet accident. » Ces résultats font écho aux évaluations d’Euro NCAP en 2014 et 2016, où les quadricycles testés n’avaient obtenu que 0 à 2 étoiles sur 5.

Contrairement aux voitures particulières, les voitures sans permis ne sont pas soumis aux mêmes exigences en matière de sécurité : pas d’obligation d’airbags, ni d’ABS ou d’ESP, et aucun crash-test d’homologation. Les constructeurs automobiles invoquent des contraintes de poids réglementaire (425 kg pour les modèles légers) pour justifier l’absence d’équipements de sécurité.

De plus, à bord d’une Citroën Ami, les jeunes conducteurs peuvent ressentir une forme de protection rassurante, liée à l’habitacle fermé et à l’apparence automobile du véhicule. Ce sentiment de sécurité, bien que relatif, pourrait paradoxalement les inciter à adopter une conduite plus audacieuse, telles que des manœuvres risquées ou, encore, créer un manque de vigilance au volant, contrairement à la prudence souvent observée sur un deux-roues, où l’exposition physique au danger est plus directe et palpable.

Face à la multiplication des accidents, le député Bruno Clavet (RN) a interpellé le gouvernement sur la dangerosité des quadricycles électriques comme la Citroën Ami, la Mobilize Duo ou la Fiat Topolino. Il appelle à une réforme du permis AM, jugé trop léger pour former des conducteurs dès 14 ans. Cette prise de position fait suite à plusieurs accidents graves survenus en janvier 2025, dont l’un impliquant une Ami ayant renversé une mère et son bébé sur un passage piéton.

Malgré une baisse temporaire des ventes début 2025 due à l’entrée en vigueur de la norme Euro 5+ et à la suppression du bonus écologique pour les quadricycles, le marché pourrait rebondir grâce aux nouvelles primes CEE. Le coût croissant du permis de conduire et des voitures neuves rend les voiturettes attractives, notamment pour les 54 692 conducteurs dont le permis a été invalidé en 2023. Mais l’accessibilité du permis AM dont l’examen est composé de 8 heures de théorie et 4 heures de conduite, sans examen du Code de la route, soulève des inquiétudes. La faible formation des conducteurs, combinée aux lacunes sécuritaires des voitures sans permis, constitue un « cocktail à haut risque » en termes de sécurité routière.

Enfin, face à la montée des accidents et à la popularité croissante des voitures sans permis, comme la Citroën Ami, les chiffres de la Sécurité Routière et les interpellations politiques pourraient inciter les pouvoirs publics à revoir les normes encadrant ce segment, mais cela semble tarder. Car si l’Ami incarne une révolution urbaine, elle ne doit pas devenir le symbole d’une sécurité routière à deux vitesses.

La rédaction

Photos : Dekra, impression d’écran YouTube

Frédéric Martin

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