Le débat sur l’avenir de l’automobile européenne prend une nouvelle tournure. Le chancelier allemand Friedrich Merz a officiellement demandé à l’Union européenne de lever l’interdiction de la vente des véhicules thermiques prévue pour 2035. Cette position marque un tournant majeur pour la première économie du continent, dont l’industrie automobile reste un pilier stratégique. Rappelons qu’en termes de ventes, l’Allemagne représente le premier marché automobile européen.
L’argument central avancé par Berlin repose sur deux constats : d’une part, la concurrence chinoise dans le domaine du véhicule électrique s’intensifie, avec des marques comme BYD ou Nio qui grignotent rapidement des parts de marché en Europe ; d’autre part, la transition électrique des constructeurs automobiles allemands comme BMW, Mercedes-Benz, Volkswagen, Audi, Porsche s’avère plus lente et plus coûteuse que prévu. Plusieurs modèles électriques, tels que la Porsche Macan EV, ont déjà vu leur calendrier de lancement repoussé en raison d’une demande insuffisante et de coûts de production élevés.
La Commission européenne avait initialement prévu d’étudier une clause de revoyure en 2026 concernant cette interdiction, votée en 2022 et censée marquer la fin des ventes de voitures neuves à moteur essence, diesel et même hybride. Mais face à la pression croissante des industriels, Bruxelles a annoncé le mois dernier son intention de procéder à une révision « dans les meilleurs délais ». Les constructeurs automobiles européens espèrent obtenir un assouplissement du calendrier, voire une levée pure et simple de la mesure, afin de préserver leur compétitivité.
Le chancelier allemand a reconnu que cette question fait actuellement l’objet de « discussions en cours » avec les sociaux-démocrates (SPD), partenaires de coalition. Il a précisé que le le ministre allemand de l’Environnement, Carsten Schneider (SPD), n’était « pas encore convaincu » de la nécessité d’abandonner cet objectif, tout en espérant parvenir à une position gouvernementale unifiée avant la rencontre prévue, jeudi, avec les représentants du secteur automobile.
Cette prise de position s’inscrit dans un contexte où l’industrie automobile allemande, qui représente près de 5 % du PIB national et plus de 800 000 emplois directs, traverse une zone de turbulences. Les immatriculations de véhicules électriques progressent moins vite que prévu, tandis que les ventes de modèles thermiques et hybrides restent dominantes. En parallèle, les investissements massifs nécessaires pour développer les batteries, les infrastructures de recharge et les nouvelles plateformes électriques pèsent lourdement sur les finances des constructeurs automobiles.
Friedrich Merz a, par ailleurs, déjà qualifié de « grave erreur » l’abandon des recherches sur le diesel, estimant que cette technologie reste indispensable pour les camions et le transport lourd. Il défend également le développement des carburants synthétiques (e-fuels), présentés comme une alternative permettant de prolonger la vie des moteurs à combustion « de manière respectueuse de l’environnement ».
Enfin, en réclamant un assouplissement de la réglementation qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2035, Berlin cherche à ménager à la fois ses engagements climatiques et la survie de son industrie phare. Mais cette offensive politique risque de rouvrir une fracture au sein de l’Union européenne, entre les pays favorables à une transition rapide vers le 100 % électrique et ceux qui, comme l’Allemagne, plaident désormais pour une approche plus flexible et technologique.
La rédaction
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