Aujourd’hui, pour immatriculer sa voiture ancienne avec la mention “collection”, il faut remplir un dossier auprès du service de l’Agence Nationale des Titres Sécurisés (ANTS) qui dépend du Ministère de l’intérieur. Cette demande s’effectue uniquement en ligne en se connectant à une plate-forme web gouvernementale. Cependant, pour que le dossier à envoyer soit complet, il vous faut impérativement une attestation établie soit par le constructeur, soit par le représentant de ce dernier en France ou, par la Fédération Française des Véhicules d’Epoque (FFVE). Cela semble assez simple sur le papier mais, la démarche est plus complexe qu’il n’y paraît.
Nous avons lancé récemment la restauration d’une voiture rare à savoir, une 850 Moretti Sportiva de 1968, propriété de Thomas de Chessé, le but de ce dernier étant de concourir lors de rallyes dédiés aux voitures anciennes tel le Tour Auto. La 850 Moretti Sportiva fait partie à part entière du patrimoine automobile italien et, le modèle de 1968 de Thomas est actuellement en cours de restauration (nous reviendrons prochainement sur ce travail grâce à de nouveaux articles). Pendant que la 850 Moretti “se refait une beauté”, il était temps d’obtenir au plus vite sa carte grise. Précisons que le passage en véhicule de collection pour une automobile en carte grise française de 30 ans d’âge n’est ni automatique, ni obligatoire.
Dans un premier temps, nous nous sommes appuyés sur la FFVE, cette fédération étant habilitée pour proposer le service d’obtention de la fameuse attestation citée en introduction, avec un délai annoncé d’environ trois semaines, et, avec la promesse que notre attestation sera envoyée par email. Une fois le dossier complété avec de nombreuses photos indispensables (sous tous les angles, extérieurs et intérieurs), la carte grise originelle, le numéro du moteur, celui frappé sur la carrosserie, plusieurs documents FFVE dûment remplis, une attestation sur l’honneur et, pour finir, un chèque de 60 € accompagnés de plusieurs timbres, il nous suffisait donc d’attendre, et d’être quelque peu patients.
Les trois semaines passées, pas de nouvelles puis, après un total de 44 jours d’attente, nous recevons, par courrier postal, le dossier avec le chèque non débité mais, pourquoi ? Le dossier a tout simplement été refusé, avec une étrange mention inscrite au feutre rose, telle une mauvaise note sur un bulletin scolaire ! Selon la FFVE, les photos de la 850 Moretti Sportiva n’étaient pas conformes et la dénomination commerciale de l’auto n’était apparemment pas la bonne. Retour à la case départ…
Une idée lumineuse nous vient à l’esprit… Ainsi, qui peut mieux connaitre le véhicule que le constructeur lui-même ? Nous avons donc déposé un dossier auprès du Service Homologation FCA pour “immatriculer en carte grise collection” la 850 Moretti Sportiva sachant que cette automobile est basée sur la Fiat 850 Coupé. Le site FCA est extrêmement bien fait, très ergonomique et les champs à remplir en ligne sont d’une simplicité enfantine.
Pas de lourdeur administrative contrairement à la FFVE. Les documents à télécharger sur le site sont : le document d’immatriculation français ou étranger, une photo du véhicule avec plaque d’immatriculation visible, une photo de la plaque constructeur, une photo de la frappe à froid du numéro de série et une photo du moteur monté. A cela s’ajoute un montant à payer en ligne de 85 €. En moins de deux semaines, le sésame original, l’attestation, nous a été fourni par FCA, par courrier postal en recommandé. Il ne nous reste plus qu’à nous rendre sur le site de l’ANTS pour obtenir la carte grise.
Nous avons contacté David Robert, le responsable Homologation FCA, qui nous explique et nous livre quelques information au sujet de l’obtention d’une carte grise “véhicule de collection”.
– Avez-vous des anecdotes suites à des demandes d’homologation ?
« Un carrossier a passé plusieurs années à créer une réplique de la Fiat 500 Spiagnia de 1958, extrêmement fidèle et très bien réalisée. Il a consacré beaucoup de temps et d’argent à ce projet qu’il a enfin terminé en Juin 2017. Il nous a sollicités pour obtenir une attestation. Sauf qu’entre temps, la règlementation avait évolué et était devenue beaucoup plus précise sur les répliques. Nous n’avons pas pu lui délivrer le précieux “sésame” qui aurait validé son travail et d’après les dernières nouvelles, ce passionné n’a jamais réussi à immatriculer sa voiture… »
– Combien de demandes avez-vous à traiter mensuellement ?
« Nous traitons une centaine de demandes par mois. La demande est en forte hausse depuis le changement de la réglementation sur la définition de la carte grise pour véhicule de collection en Avril 2017 et les récentes contraintes d’accès aux centres des grandes villes pour les véhicules anciens. De plus, le contrôle technique étant plus strict nos clients ont de plus en plus recours à la carte grise collection. »
– Depuis quand votre service existe-t-il ?
« Le service homologation est incontournable dans le fonctionnement d’une entreprise comme FCA France. Nous délivrons des attestations pour véhicules de collection depuis une dizaine d’années pour les marques Fiat, Alfa Romeo, Lancia, Autobianchi et depuis 2011 pour Chrysler, Jeep, Dodge, Desoto, Plymouth… Exception faite des constructeurs français, peu de constructeurs étrangers disposent en France d’un service “administratif” consacré aux véhicules anciens et délivrant les attestations adaptées aux spécificités de l’immatriculation en carte grise collection. Cela a été, et reste possible grâce à la présence de passionnés au sein des équipes FCA et à la conservation d’archives remontant jusqu’aux années 20. »
– Quelle est la voiture la plus incroyable que vous ayez eue à traiter ?
« Nous avons eu une demande en 2017 pour une Alfa Romeo 6C de 1928. Cela nous a demandé beaucoup de recherches car nous ne disposions que de peu très peu d’informations dites officielles sur ces mythiques automobiles. Nous avons eu également plusieurs demandes ces 3 dernières années pour des Lancia Aurelia Spider B24. Nous avons aussi une clientèle de collectionneurs passionnés, fidèles, qui nous fait confiance depuis toujours, pour des véhicules sur base de Fiat carrossés par Moretti, Touring ou Ghia… Dans ces cas là, les recherches peuvent être longues. Dans le cas des véhicules facilement réplicables comme les Fiat 500 ou 600 Jolly, nous sommes extrêmement prudents quant à leur authenticité et pouvons demander aux clients de faire expertiser leur véhicule. A l’issue de notre étude, si un doute subsiste, nous préférons rembourser les clients et ne pas délivrer d’attestation. »
– Quel type de véhicule avez-vous le plus souvent à traiter ?
« 30% des demandes d’attestation concerne les Fiat 500, suivies des Alfa Romeo Spider dont les importations sont nombreuses en provenance d’Italie. Nous sommes aussi de plus en plus sollicités pour des muscle cars telle que la Plymouth Barracuda. »
Le bureau d’homologation constructeur (pour cet exemple, les modèles anciens du groupe FCA) est plus efficace pour acquérir cette attestation que le même service proposé par la FFVE qui reste sur un mode de fonctionnement assez archaïque de documents à remplir et à envoyer par voie postale. Mais, n’oublions pas qu’à l’origine, la fédération œuvre pour préserver et transmettre le patrimoine automobile français, transmettre des savoir-faire et faire évoluer la réglementation.
Texte et photos : Thomas de Chessé.