Le dimanche 27 novembre, le président de la République française, Emmanuel Macron, est « passé en mode Youtubeur ». Le chef de l’Etat, très à l’aise dans cet exercice, a ainsi répondu à de nombreuses questions portant sur différents sujets. Concernant la voiture électrique, avouons qu’Emmanuel Macron est très optimiste : « un million de véhicules électriques fabriqués dans le pays d’ici 2027 ».
Contraints et poussés par l’Europe, les constructeurs automobiles font des efforts colossaux pour répondre, en 2035, à l’interdiction des ventes de véhicules thermiques. Comme le veut l’expression, « on y va tout droit » mais, il n’y a pas un « mais » mais, plusieurs. En effet, quand Emmanuel Macron s’exprime, sur YouTube, au sujet de la voiture électrique, on ne peut que saluer et respecter sa motivation et son discours très positif. Cependant, de nombreuses études, membres du gouvernement, autres spécialistes des causes environnementales, ainsi que des organismes directement liés à l’Etat, ne sont pas si convaincus que cela, par l’avenir viable des véhicules électriques, surtout alors que l’on traverse une crise énergétique majeure.
Ainsi, récemment, Thierry Breton (Commissaire européen au Marché intérieur), s’est exprimé dans les colonnes de Les Echos, le 3 novembre 2022. L’ex-ministre de l’Economie et des Finances, entre et a ainsi déclaré, au sujet de la voiture électrique et de l’interdiction des ventes de voitures thermiques fixée, à ce jour, à 2035 :
« 600 000 emplois seront supprimés. […] Nous aurons besoin de 15 fois plus de lithium d’ici à 2030, quatre fois plus de cobalt, quatre fois plus de graphite, trois fois plus de nickel. […] Si nous voulons que toutes le voitures soient électriques, nous aurons besoin d’augmenter notre production d’électricité de 150 GW par an, soit 20 à 25% de plus que ce que nous produisons aujourd’hui en Europe. […] Et si nous le faisons avec du charbon ou du gaz, cela n’a pas de sens. »
Quelques jours plus tard, c’était au tour de Clément Beaune (Ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargé des Transports) de déclarer, au sujet de 2035, cette fois, dans le cadre du programme Le Grand Jury :
« ll y aura une clause de revoyure pour voir s’il y a d’autres technologies qui peuvent accompagner. […] Pour aussi ne pas tuer notre industrie européenne, parce qu’il y a des continents qui vont un peu moins vite que nous. […] Et on ne va pas arrêter d’exporter des véhicules hybrides ou thermiques à l’étranger en 2035, sinon ce sont les Chinois qui vont conquérir tous les marchés en développement. »
Comme évoqué par Emmanuel Macron sur Youtube, l’Europe et la France doivent donc rapidement contrer l’offensive chinoise portée sur la voiture électrique, c’est un fait. Cependant, disposons-nous des moyens nécessaires pour faire en sorte que la voiture électrique devienne notre outil de mobilité N°1 ? Selon l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), la réponse est : « La voiture électrique ne remplacera pas le véhicule thermique sur tous ses usages. » Rappelons que l’ADEME est un Etablissement Public à Caractère Industriel et Commercial (EPIC) qui exerce ses missions sous la tutelle de l’Etat, précisément des ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, de la Transition énergétique et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
En marge du Mondial de l’Auto 2022, l’ADEME a publié un document baptisé « Les avis de l’ADEME – Voitures électriques et bornes de recharges » (à télécharger gratuitement en format pdf, en cliquant sur l’image située si dessus). Cette même étude met en avant certaines limites, écologiques et industrielles, liées à la voiture électrique. Sur le site internet de l’ADEME, on peut aussi lire : « Plus généralement, pour tous nos déplacements (quotidiens et longue distance), le véhicule électrique n’est pas neutre en carbone, il convient donc avant tout de réinterroger la place de l’automobile dans nos déplacements (sobriété et report modal) et de faire du véhicule électrique une brique parmi une offre de services de mobilité plus large et diversifiée. »
Autre déclaration qui pourrait casser le moral d’Emmanuel Macron au sujet de la voiture électrique, celle de Jean-Marc Jancovici, à qui l’on doit le « Bilan Carbone ». Ce spécialiste de la préservation de l’environnement a été beaucoup plus loin en déclarant, le 14 septembre dernier sur BFMTV :
« On ne va pas y arriver. C’est à dire qu’il y a des limites physiques aussi sur la quantité de métal disponible sur Terre, sur la vitesse à laquelle on va ouvrir les mines. »
A une échelle plus grande que la France, c’est l’International Energy Agency (IEA) qui a, dans la très étayée étude « Global EV Outlook 2022 » (EV : Electric Vehicule), mis en avant les très probables pénuries de matières premières qui pourraient restreindre fortement la production de véhicules électriques : « L’augmentation rapide des ventes de véhicules électriques pendant la pandémie a mis à l’épreuve la résilience des chaînes d’approvisionnement de batteries, et la guerre de la Russie en Ukraine a encore aggravé le défi. Les prix des matières premières telles que le cobalt, le lithium et le nickel ont bondi. En mai 2022, les prix du lithium étaient plus de sept fois plus élevés qu’au début de 2021. »
Il faut néanmoins opposer aux très probables faits présentés par l’IEA et Jean-Marc Jancovici, une autre information, celle qui est représentée par la future ouverture d’une gigantesque mine d’extraction de lithium, en Allier. Ce site permettra, bien sûr, de fournir, les fabricants de batteries destinées aux différents véhicules électriques.
📣 Nous lançons un projet majeur d’exploitation de #lithium sur son site de #Beauvoir (@allierdpt).
Il a pour but de répondre aux enjeux de transition énergétique et de souveraineté industrielle de la 🇫🇷 et de l’Europe 🇪🇺.
Lisez notre CP. ▶️ https://t.co/0g9gbYCPQg#Imerys pic.twitter.com/G9YUNZBFpD
— Imerys France (@Imerys) October 24, 2022
Enfin, donnons, avec un peu de provocation, rendez-vous en 2035 à Emmanuel Macron pour savoir si son optimiste au sujet de la voiture électrique sera toujours au beau fixe. Concluons avec la très intéressante intervention d’Emmanuel Macron sur Youtube. Cliquez sur « Play » ci-dessous pour la visionner.
La rédaction
Photos : capture d’écran YouTube et LesVoitures.com