En 2021, les couleurs historiques de Renault Sport disparaîtront au profit de celles d’Alpine, la marque de Dieppe remplacera ainsi, en F1, le label sportif au sein du groupe automobile français. En mars 2021 à Melbourne, Esteban Ocon et Fernando Alonso piloteront pour la première fois des monoplaces à la carrosserie peinte en bleu, blanc et rouge. Retour sur les 43 ans de Renault Sport en Formule 1.
C’est précisément le 16 juillet 1977 que tout a commencé pour Renault Sport en Formule 1 et pas n’importe où, à Silverstone lors du GP de Grande-Bretagne. Historique, cette première course de l’équipe française en F1 l’est à plus d’un titre car, c’est aussi la première fois qu’un moteur suralimenté (turbo) prend le départ avec RS01 de Jean-Pierre Jabouille. Auparavant, deux ans de développement ont été nécessaires. Renault Sport choisira de disputer cinq Grand prix cette année-là, ceci afin de peaufiner la technologie turbo.
En 1978, Renault Sport s’alignera au départ de 16 des 18 courses de la saison avec les premiers points marqués par l’écurie à l’arrivée du GP des Etats-Unis, toujours, bien sûr, avec Jean-Pierre Jabouille. Ce 1er octobre 1978, c’est également le 30ème anniversaire du pilote français connu pour être un excellent metteur au point.
René Arnoux rejoint Jean-Pierre Jabouille en 1979 sur une seconde monoplace jaune, blanche et noire. La suite… une nouvelle date historique pour la discipline phare du sport automobile. Le 1er juillet à Dijon, Jabouille offre une première victoire à Renault Sport et, également pour la première fois, un moteur (V6) à turbo s’impose.
Ce jour-là, René Arnoux et Gilles Villeneuve se disputent la 2ème place de l’épreuve lors d’un duel épique qui restera l’un des plus beaux moments de l’histoire de la F1.
Au terme de la saison 1980, Renault est toujours en progrès et signe 3 victoires avec la RE20 (« E » pour Elf). René Arnoux s’impose au Brésil et en Afrique du Sud. Quant à Jean-Pierre Jabouille, il montera sur la plus haute marche du podium en Autriche. Après avoir été accidenté au Canada, Jabouille ne disputera pas le dernier GP de la saison, cette dernière voyant la structure de F1 française se hisser à la 4ème place du Championnat du Monde des Constructeurs.
1981 marque un tournant pout Renault Sport car, Jabouille part chez Ligier et c’est un certain Alain Prost qui le remplace. La technologie turbo est alors utilisée par d’autres écuries comme, par exemple, la Scuderia Ferrari. Alain Prost remportera 3 courses et Renault Sport progressera à la 3ème place du Championnat du Monde des Constructeurs. Hélas, la saison 1982 est plus délicate à gérer pour les Français, la faute à des soucis de fiabilité sachant que Renault continue à développer de nouveaux éléments (diffuseur, etc…). Arnoux et Prost se partagent 4 victoires.
En 1983, Renault fournit des moteurs à Lotus et Eddie Cheever arrive pour remplacer René Arnoux. Alain Prost échoue à 2 points de Nelson Piquet pour l’obtention du titre mondial sachant que la Brabham-BMW turbo du pilote brésilien semble avoir été alimentée par du carburant non conforme mais, Renault ne préfère pas tenter de gagner sur tapis vert, question d’image, en attaquant Brabham devant les grandes instances du sport automobile.
On en arrive en 1984 avec un line-up de pilotes 100% nouveau : Patrick Tambay et Derek Warwick. Alain Prost fait alors équipe avec Niki Lauda chez McLaren. L’Autrichien remportera le titre pilote pour un demi-point d’avance sur Prost. L’écurie française ne gagnera aucune course pour finir 5ème du Championnat du Monde des Constructeurs. A noter que, lors de la dernière épreuve de la saison au Portugal, une 3ème monoplace française est confiée à Philippe Streiff.
L’année qui suit n’est pas beaucoup plus glorieuse mais, le moteur Renault s’impose avec Lotus à trois reprises (Ayrton Senna en photo ci-dessus lors de sa victoire du GP du Portugal 1985 et ci-dessous lors du GP d’Espagne 1986). Renault Sport termine à la 7ème du Championnat du Monde des Constructeurs alors qu’Alain Prost décroche son premier titre de champion du monde de F1. Renault décide alors de devenir uniquement motoriste pour la saison à venir.
En 1986, le moteur français EF15 permet à Lotus de remporter les GP d’Espagne et des Etats-Unis puis, Renault se retire de la Formule 1 pour 2 ans mais, les équipes de Viry-Châtillon restent en veille en continuant de développer un moteur. Le RS1 équipera ainsi les Williams à partir de 1989. A partir de cette même année, les turbos sont interdits. Renault décroche alors la 2ème place du Championnat du Monde des Constructeurs avec Lotus.
La saison suivante, en 1990, le RS2 ne peut rivaliser avec les moteurs et autres technologies qui font de McLaren-Honda la meilleure équipe. Il y a 30 ans, Ayrton Senna remporta l’un de ses 3 titres mondiaux après celui obtenu en 1988.
La saison 1991 marque l’arrivée de Nigel Mansell chez Williams à la place de Thierry Boutsen. Renault est, comme on dit, de retour aux affaires avec, notamment un puissant bloc RS3 de quelques 700 chevaux qui permet au pilote britannique de décrocher le titre de vice-champion derrière Ayrton Senna.
En 1992, c’est un retentissant doublé pour Williams-Renault avec les sacres pilotes (Nigel Mansell) et constructeurs. Cette fois, ce sont 750 chevaux qui sont développés sur la révolutionnaire FW14B à suspension active et boîte de vitesses à commande semi-automatique.
Bis repetita en 1993 après le combat historique entre Alain Prost qui a intégré Williams et Ayrton Senna (McLaren-Ford MP4/8). Aux commandes la FW15C de 770 chevaux soit, la meilleure voiture de course du plateau, Prost (en photo ci-dessous lors du GP d’Afrique du Sud) remporte le dernier de ses 4 titres en F1.
1994… Faut-il rappeler que cette année a été l’une des plus terribles de l’histoire de la Formule 1 ? A Imola, Roland Ratzenberger et Ayrton Senna perdent la vie. Le Brésilien est alors victime d’un tragique accident au volant d’une Williams-Renault. Sur une autre FW16, Damon Hill se classera 2ème du Championnat Pilotes à 1 point de Michael Schumacher.
En 1995, le règlement de la F1 change avec des moteurs plus petits et c’est, de nouveau, Michael Schumacher qui domine le championnat grâce à la Benetton B195 motorisée par le motoriste français (RS7) sachant que Williams profite également du RS7. Ainsi, derrière le champion allemand on trouve dans l’ordre au terme de la saison, Damon Hill (Williams-Renault), David Coulthard (Williams-Renault) et Johnny Herbert (Benetton-Renault). Seul un certain Jean Alesi, alors chez Ferrari, battra une seule et unique fois Renault, ceci au Canada !
La valse des baquets fait que la saison 1996 voit arriver Jacques Villeneuve chez Williams alors que Jean Alesi et Gerhard Berger débarquent chez Benetton car, Schumacher a pris la direction de l’Italie chez Ferrari. Damon Hill remporte le titre pilotes devant Jacques Villeneuve. C’est donc un nouveau double avec les titres pilotes et constructeurs pour Renault.
Fin 1996, Damon Hill (en photo ci-dessus lors du GP du Japon) quitte Williams et c’est Heinz-Harald Frentzen qui le remplace chez Williams en 1997. Gilles Villeneuve remporte le titre des pilotes en luttant contre Michael Schumacher jusqu’au tout dernier GP disputé en Espagne.
A Jerez, Schumacher vient sciemment percuter Villeneuve. L’Allemand sera disqualifié du championnat, ce qui permet à Frentzen de récupérer le titre de vice-champion soit, un 5ème titre constructeurs pour Renault et Benetton-Renault se hissera à la 3ème place. Renault arrête alors presque toute activité en F1.
Durant les années 1998, 1999 et 2000, le moteur Renault sera repris par Mécachrome puis deviendra un bloc Supertec. Lors de ces trois saisons, il ne se passe pas grand chose pour ces moteurs Renault rebadgés. En 2000, la grande nouvelle est le rachat de Benetton par Renault !
En 2001, C’est néanmoins toujours un châssis Benetton qui accueille le moteur RS21 (V10 3.0 l) pour une première saison de transition avec comme pilotes, Giancarlo Fisichella (en photo ci-dessous) et Jenson Button (en photo ci-dessus). Michael Schumacher remporte son 4ème titre, le 2ème avec Ferrari.
2002… le Renault F1 Team est né et le constructeur français est donc de retour à 100% en F1. Jarno Trulli remplace Giancarlo Fisichella mais, les deux italiens ne parviennent pas à faire s’illustrer Renault lors d’une saison dominée par Ferrari et Michael Schumacher.
Fernando Alonso arrive chez Renault F1 Team (une première fois) en 2003, ceci à la place de Jenson Button. Alonso gagnera le GP de Hongrie et… Schumacher ne laissera rien aux autres en remportant son 6ème titre !
En 2004, c’est de nouveau un festival Ferrari. Du côté du Renault Sport F1 Team, les français s’offrent une seule victoire en GP mais, de prestige à Monaco grâce à Jarno Trulli.
L’année 2005 sera beaucoup plus fructueuse pour Renault qui gagne les titres pilotes et constructeurs notamment grâce une fiabilité de haut niveau. Alonso, au volant de la RS25 d’une puissance de quelques 900 chevaux est, cette saison-là, presque imbattable. 2005, c’est aussi le retour de Fisichella chez Renault. L’Italien finira à la 5ème place du Championnat pilotes.
Le constat est encore plus remarquable en 2006 pour Renault avec, de nouveau, l’obtention des deux titres pilotes (Fernando Alonso) et constructeurs.
En 2007, Alonso est parti chez McLaren-Mercedes où un petit jeune talentueux débute à ses côtés : Lewis Hamilton. Chez Renault, c’est Heikki Kovalainen qui récupère le baquet d’Alonso. Renault Sport fournit des moteurs à Red Bull pour David Coulthard et Mark Webber. Renault F1 Team finit à la 3ème place du Championnat du Monde des Constructeurs et Red Bull-Renault au 5ème rang.
La saison suivante, Fernando Alonso est de retour chez Renault aux côtés de Nelson Piquet Jr. Le GP de Singapour 2008 restera, hélas, dans l’histoire de la F1 à cause de la tricherie organisée par Flavio Briatore qui a demandé à Piquet Jr. de fracasser sa Renault dans le mur pour permettre à Alonso de remporter la course. 2008, c’est également le premier titre acquis par Lewis Hamilton sur la McLaren-Mercedes MP4-23 (en photo ci-dessus) avec 1 petit point d’avance sur Felippe Massa (Ferrari).
Saison 2009 compliquée pour l’équipe française alors que Jenson Button et Brawn GP surprennent tout le monde. En revanche, Red-Bull Renault se montre en remportant 6 courses : 2 pour Mark Webber et 4 pour Sebastian Vettel. Ce dernier sera ainsi vice-champion. Fernando Alonso quitte alors Renault pour rejoindre Ferrari pour la saison 2010.
En 2010, avec Robert Kubica et Vitaly Petrov, le Renault F1 Team est encore à l’arrêt mais, le moteur RS27 fait néanmoins des merveilles sur les Red Bull RB6. Cette dernière permet à Sebastian Vettel de remporter son 1er titre devant Fernando Alonso et Mark Webber. De nouveau, la marque française s’illustre donc en tant que motoriste. La transition est toute trouvée car, fin 2010, Renault arrêtera d’être présent en F1 en tant que constructeur pour se concentrer sur le développement des moteurs pour Red Bull. Renault F1 Team deviendra Lotus-Renault GP.
En 2011, 2012 et 2013, Renault sera sacrée avec Red Bull et, bien sûr, grâce à Sebastian Vettel. A noter qu’en 2011, les moteurs RS27 équipent également les Lotus-Renault GP et le Team Lotus ce qui vaudra quelques procès pour déterminer qui peut utiliser le nom « Lotus ». En 2012, Renault devient incontournable comme motoriste et travaille avec 4 écuries : Red Bull, Caterham (ex-Team Lotus), Williams et Lotus. 2013 sera l’année de la continuité avec les mêmes partenaires.
2014 marque le début de l’ère actuelle de la Formule 1 avec l’arrivée des moteurs hybrides. La suite, vous la connaissez avec la suprématie Mercedes encore d’actualité cette saison 2020 ! Renault Sport est alors le partenaire de Red Bull, Toro Rosso, Lotus et Caterham. En 2015, cela se réduira à deux équipes : Red Bull et Toro Rosso.
En 2016, Renault est de retour en tant que constructeurs avec le Renault Sport Formula One Team. Le moteur fourni à Red Bull prend alors le nom de Tag Heuer.
En 2017, les 40 ans de l’arrivée de Renault sont fêtés. La marque au losange va ensuite progresser petit à petit en 2018 et 2019. En 2018, Renault se classe à la 4ème place du Championnat du Monde des Constructeurs et équipe de ses moteurs hybrides (Power Unit) les McLaren puis, en 2019, Red Bull passe chez Honda. L’année dernière, Renault se classe 5ème du classement des constructeurs.
Enfin, cette année, Daniel Ricciardo et Esteban Ocon ont redonné des belles couleurs à Renault avec, respectivement pour eux, 2 podiums (GP de l’Eifel et GP d’Emilie-Romagne) et une superbe 2ème place pour le pilote français à l’arrivée du GP de Styrie.
En cette année particulière, Renault a également officialisé le retour de Fernando Alonso pour 2021 sachant que Ricciardo a signé chez McLaren.
A l’heure où nous écrivons ces lignes, avant le dernier GP de la saison (Abu Dhabi le 13 décembre), Renault (172 points) peut encore décrocher la 5ème place du classement des constructeurs. Tout reste possible pour faire mieux car, McLaren est devant à la 4ème place, ceci à 12 points.
Enfin, comme évoqué en introduction, ainsi s’achèvera l’histoire du label Renault Sport en Formule 1. Ci-dessus, voici une vision de la décoration des monoplaces Alpine F1 Team de la saison 2021. On doit cette superbe illustration à Mark Antar.
Texte : Frédéric Lagadec
Photos : Renault, DDPI, Allsport, LAT Photographic, Red Bull Content, XPB (James Moy Photography), Mercedes-AMG Petronas et Mark Antar