Prendre le volant d’une McLaren est toujours un moment unique, même pour les journalistes automobiles que nous sommes. Le privilège nous a été offert d’essayer la McLaren Artura dans une atmosphère humide et colorée proche de celle de la campagne anglaise. Dévoilée en février 2021, l’Artura “roule sur les traces ” de la McLaren P1 qui a ouvert, en 2013, l’ère de l’électrification du constructeur de Woking, sachant que la P1 standard a été produite en seulement 375 exemplaires. Exit le V8 bi-turbo McLaren, place au tout nouveau V6 3.0 l bi-turbo (585 ch) associé à un moteur électrique pour l’Artura, la première PHEV de série McLaren d’une puissance de 680 ch pour 720 Nm de couple.
Alors que notre essai de la McLaren 720S Spider au V8 4.0 l bi-turbo, réalisé en 2019, restera l’un des plus grands moments de notre carrière, tant les performances et l’efficacité de la 720S sont redoutables, quels seront nos sentiments après l’essai de la McLaren Artura ? Autant répondre tout de suite à cette question. Frustrant pour commencer, car sur des routes humides jonchées de feuilles mortes, il n’a pas été facile d’appréhender tout le potentiel de la McLaren Artura. Débutons notre essai de la McLaren Artura en présentant ses lignes.
En termes de design, celle qui repose sur la nouvelle plateforme MCLA (McLaren Carbon Lightweight Architecture) peut presque être vue comme une “petite” McLaren P1, les deux supercars étant assez proches en termes de lignes. La McLaren Artura c’est, avant tout, un design au service d’une aérodynamique à haute performance, à l’image des sublimes arches qui font le lien entre le cockpit, les flancs et l’arrière de cette première supercar hybride rechargeable de série McLaren.
Moins extrême que la nouvelle McLaren 750S et plus travaillé que la plus sage McLaren GT, le style de la McLaren Artura est ainsi un savant équilibre d’agressivité et de longues courbes. A l’avant, les optiques encastrées sont proches de celles de la McLaren P1 même si elles sont plus fines. L’affiliation visuelle entre l’Artura et la P1 se remarque également au niveau du bouclier avant.
De profil, c’est l’aspect élancé et ras du sol de la McLaren Artura qui ressort, cette dernière faisant apparaître de petites ouvertures au niveau des ailes avant et une autre beaucoup plus large à l’arrière dédiée au refroidissement du V6.
Quant à la partie arrière de la McLaren Artura, elle est dépourvue d’aileron, mais génère néanmoins un rendu que nous qualifierons de puissant, notamment grâce à un grand élément noir aéré. A cela s’ajoutent, des ailes aux extrémités tranchantes synonymes d’un rendu agressif et, toujours, ses sublimes arches.
Plus bas, c’est tout l’ADN sport auto de McLaren Automotive qui ressort grâce à un gigantesque diffuseur presque “flottant” qui laisse entrevoir les “entrailles mécaniques” de l’Artura. Avouons que nous sommes restés de bonnes minutes accroupis pour profiter de cette vue incroyable.
Vous êtes, peut-être, comme vous, “ensorcelés” par la configuration “full black” de la supercar d’outre-Manche. A la fois profonde et brillante, la teinte “Onyx Black” de notre Artura d’essai est associée, entre autres, au “Black Pack” qui rajoute de nombreux éléments en “Gloss Black” (noir brillant). Quant aux jantes en alliage forgé “Dynamo” (19 pouces à l’avant – 20 pouces à l’arrière), elles profitent aussi d’une finition “Gloss Black”. Le “détail qui tue” est représenté par les étriers de freins en “Orange McLaren”, la couleur la plus chère aux yeux de Bruce McLaren bien sûr.
Passons à l’intérieur de la McLaren Artura pour y découvrir une architecture proche de celles des autres McLaren avec, toujours, un habitacle positionné très en avant. On notera la présence d’une instrumentation numérique qui, en fonction des virages, suit le regard du conducteur pour une lisibilité maximale des informations. Précisons également que le service de personnalisation MSO (McLaren Special Operations) est à la disposition des potentiels acheteurs de l’Artura pour imaginer une ambiance unique.
On notera, surtout, que les boutons de sélection des modes de conduite châssis/direction (à gauche du volant) et moteur (à droite du volant) ne sont donc plus situés sur la console centrale, mais au niveau de la casquette qui recouvre l’instrumentation, comparativement aux autres McLaren. De quoi, du bout des doigts, aller jouer avec ces mêmes modes de conduite ?
La réponse dans quelques lignes lors de l’essai dit “routier” de la McLaren Artura. Des sièges “ClubSport” de série complètent un habitacle qui va à l’essentiel, McLaren Automotive proposant quatre choix à ses clients : “Standard”, “Performance”, “TechLux” et “Vision “, notre McLaren Artura d’essai étant en “Performance”.
On en vient presque à l’essai routier de la McLaren Artura mais, avant présentons rapidement ses différents modes de conduite. Pour les réglages châssis/direction, c’est assez simple avec trois choix possibles : “Comfort”, “Sport” et “Track”. L’ESP/ESC est réglé selon ces différents modes, comme la dureté de la suspension et la précision de la direction. En “Comfort”, l’ESC est à 100%. En “Sport” et “Track”, il est respectivement réglé à 75% et 25% de prise en charge de la perte d’adhérence. Concernant les modes de conduite du moteur, ils sont au nombre de 4 : “Electric”, “Comfort”, “Sport” et “Track”. Le mode “Electric” permet de rouler une trentaine de kilomètres sans déclencher le V6. Le mode “Comfort” peut être considéré comme un mode automatique thermique/électrique. En modes “Sport” et “Track”, l’énergie électrique est alors utilisée comme un boost.
Ce n’est pas tout, car une fonction automatique “Conditioning Engine” devrait, surprendre les acheteurs de l’Artura. En effet, elle impose de rouler en 100% électrique, le temps que le V6 monte en température. C’est, ainsi, avec un certain étonnement que nous avons vécu les premiers kilomètres parcourus au volant de l’Artura. Cela “ronronne” à l’arrière à régime constant, et cela roule à l’électrique. Vous l’aurez, peut-être compris, cette fonction permet de préserver le fabuleux “cœur mécanique” de l’Artura.
La McLaren Artura développe donc 680 ch (à 7 500 tr/min) et 720 Nm de couple (à 2 250 tr/min), soit de données cumulées qui prennent en compte les 95 ch et 225 Nm issus du moteur électrique. Le tout est transmis aux seules roues arrière via une nouvelle boîte de vitesses compact double embrayage à 8 rapports. Pourquoi une boîte à 8 rapports ? Tout simplement, car la marche arrière est électrique.
Sur les routes de campagne de la vallée de Chevreuse, après avoir laissé derrière nous le superbe Château Porgès de Rochefort-en-Yvelines, la magie commence à opérer. Sur la balance, l’Artura affiche un poids contenu pour une voiture hybride, soit de 1 498 kilos. A titre de comparaison, la McLaren GT pèse 1 530 kilos, même si la GT répond à une philosophie plus confort.
C’est une véritable prouesse technique qui a été réalisée par les ingénieurs de chez McLaren Automotive. Sur l’Artura, son système électrique moteur (70 kW)/batterie (7,4 kWh) est de 130 kg et le nouveau V6 3.0 l moins lourd de quelques 50 kg par rapport au V8 4.0 l. Croyez-nous, cela se ressent sur la route.
En termes de ressenti au volant, on est plus plus proche d’une 720S, sans en atteindre le niveau exceptionnel de cette dernière que d’une McLaren GT. Précise dans ses prises de cap, l’Artura procure alors le sentiment de “faire corps” avec elle. De son volant qui remonte des informations précieuses et directes, à sa pédale de frein tout aussi “sensorielle”, en passant par une pédale de droite hyper-réactive, l’Artura nous fait vite oublier qu’il s’agit d’une super-sportive hybride. A ce titre, précisons que l’Artura n’intègre, en aucun cas, un système de récupération d’énergie au freinage.
Parfaitement maintenus pas des sièges au confort parfait, on enchaîne les courbes en étant très humbles, la glisse étant, sur route mouillée, inéluctable pour encore plus de plaisir. On ose alors enclencher le mode “Sport”. Tout devient encore plus précis et jamais cassant en termes de suspension.
Avouons que c’est assez bluffant pour ce dernier aspect. “Humble”, il faut l’être en sortie de virage, car, sur une chaussée très humide, le train arrière peut vite vous échapper. Cependant, c’est à cet instant que l’Artura révèle son formidable potentiel d’équilibre tel un” jouet”. En effet, sous la pluie, l’ESC laisse alors une marge suffisante avant d’intervenir. Une mention “très bien” est aussi à mettre à l’actif des gommes Pirelli P Zero qui participent à procurer des sensations incroyables de maîtrise, toujours sur “gras mouillé”.
A l’accélération, le V6 twin-turbo au code M630 joue une “partition parfaite”, bien aidée par une boîte de vitesses qui n’a rien à envier à la concurrence. Les passages des rapports sont ultra-rapides. Il manque néanmoins un peu de sonorité “méchante” au V6, mais le plaisir est bien là. Seules les commandes “du bout des doigts” évoquées plus haut sont à nos mains, décevantes. Il est difficile de s’y faire.
Ce même V6 pousse très fort à bas régime, grâce à l’apport de l’électricité, puis se déchaine un peu plus haut dans les tours, à tel point que le limiteur arrive, à 8 500 tr/min, presque plus vite que nous l’avions prévu.
En chiffres, ceux des performances, la McLaren Artura réalise le 0 à 100 km/h en 3,0 s et peut atteindre 300 km/h. Par respect pour les écologistes (ou pas), nous ne mentionnerons pas, dans cet essai, la consommation réalisée.
Enfin, avec la McLaren Artura, la firme de Woking atteint un niveau de développement assez incroyable pour une première hybride de série. On attendait pas l’Artura à ce niveau d’agilité et de performance. Sur le papier, on savait que l’Artura pouvait nous faire oublier qu’elle est un PHEV. A son volant, sauf en mode “Electric”, on est bien en présence d’une super-sportive très aboutie, “l’héritière” de la McLaren P1. Même si, aujourd’hui, on peut se poser la question de l’intérêt de concevoir des super-sportives électrifiées, encore une fois, la McLaren Artura fait vite oublier cette dernière remarque, tant elle est procure de rares sensations de conduite. Cela a un prix, à partir de 232 500 €.
Texte et essai : Frédéric Lagadec
Photos : LesVoitures.com (Mathieu Langlais)