L’affaire des moteurs PureTech franchit un nouveau cap. L’association française des automobilistes victimes de pannes liées aux blocs essence 1.0 l et 1.2 l, produits par Stellantis, a officiellement déposé un signalement auprès de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF). En ligne de mire : le fonctionnement contesté de la plateforme de réclamation lancée par le groupe automobile en janvier 2025.
Cette plateforme de réclamation mise en ligne par Stellantis avait donc pour objectif de permettre aux clients lésés de solliciter un remboursement partiel des frais engagés pour réparer leur moteur PureTech (série EB2), souvent touché par des surconsommations d’huile ou une usure prématurée de la courroie de distribution. Mais à peine quatre mois après son lancement, les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur plus de 8 200 dossiers déposés, 40 % auraient été rejetés, selon le bilan publié début mai par Stellantis.
La réaction des automobilistes concernés ne s’est pas fait attendre. Face à ce qu’ils perçoivent comme une stratégie de dédommagement minimaliste, ces derniers accusent Stellantis d’avoir instauré un dispositif volontairement restrictif. Selon leurs représentants, « derrière une promesse d’indemnisation, cette plate-forme ne propose en réalité qu’un remboursement partiel, soumis à des conditions restrictives, sans prise en charge des préjudices moraux, matériels ou des frais annexes. »
En effet, les demandes éligibles sur la plateforme de réclamation Stellantis sont strictement limitées aux pannes liées à une consommation anormale d’huile ou à des problèmes de courroie de distribution survenus entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2024. De surcroît, seule la prise en charge partielle de réparations mécaniques est envisagée, toute autre forme de dédommagement (comme les préjudices indirects) étant d’emblée exclue.
L’association souligne également le soin particulier apporté au choix des mots : la plateforme évoque des « réclamations » et non des « indemnisations », tout en parlant de « compensation financière ». Un lexique qui, selon les plaignants, vise à limiter les responsabilités juridiques du groupe Stellantis, tout en donnant une impression de soutien aux consommateurs. Cette sémantique pourrait-elle suffire à écarter toute condamnation ? Rien n’est moins sûr. La DGCCRF devra examiner si ces formulations relèvent d’une stratégie de communication ou bien d’un subterfuge destiné à se prémunir contre d’éventuelles poursuites.
Créée en novembre 2023, l’association à l’origine de cette démarche regroupe aujourd’hui 528 membres à travers la France. Elle s’appuie également sur une vaste communauté en ligne : plus de 55 000 membres échangent sur un groupe Facebook dédié, reflet de l’ampleur du phénomène. Environ 500 000 véhicules seraient concernés sur le seul territoire français. Cette même plateforme concerne aussi les problèmes liés aux moteurs BlueHDi.
Le 24 juin 2025, l’association a annoncé avoir saisi officiellement la DGCCRF afin de réclamer « l’ouverture d’une enquête et des mesures fermes pour protéger les consommateurs » suite aux nombreuses pannes liées aux moteurs PureTech. Cette action vient renforcer une procédure collective déjà engagée contre plusieurs marques du groupe Stellantis : Peugeot, Citroën, DS Automobiles et Opel.
Autre grief soulevé : le caractère obligatoire du passage par un garage du réseau Stellantis pour faire établir un diagnostic et effectuer les réparations. Une contrainte jugée « problématique en matière de concurrence » par les plaignants, qui y voient un frein à la liberté de choix du réparateur et un levier d’exclusion des garagistes indépendants. Bien que cette condition puisse paraître abusive dans le cadre d’un contentieux judiciaire, elle reste légale tant qu’elle s’inscrit dans une politique interne de remboursement facultatif. Reste à voir si la DGCCRF estimera cette exigence conforme aux règles encadrant la libre concurrence.
Enfin, comme souvent dans ce type d’affaires, l’enquête administrative qui s’engage sera longue, soumise à une procédure contradictoire au cours de laquelle Stellantis pourra faire valoir ses arguments. Le résultat de cette instruction pourrait constituer un précédent important pour les litiges liés à la fiabilité mécanique et à la responsabilité commerciale des grands constructeurs automobiles. Bref, l’affaire des moteurs PureTech et BlueHDi est loin, très loin d’arriver à son terme, sachant que la plateforme de réclamation Stellantis est, bien sûr, toujours en ligne.
La rédaction
Photos : Stellantis
