Lancé en avant-première commerciale en Colombie l’année dernière, le Renault Alaskan débarque en Europe avec, pour objectif, d’aller chercher les principaux acteurs du marché des pick-ups que sont le Toyota Hilux et le Ford Ranger. C’est volontairement que nous ne citons pas le Nissan Navara aux côtés de l’Hilux et du Ranger car il est le concurrent le plus direct à l’Alaskan pour la simple et bonne raison que les deux pick-up de l’Alliance Renault-Nissan partagent tout.
Les ventes de pick-ups en Europe sont en forte augmentation depuis 2012 pour ne pas dire qu’elles explosent. Elles ont ainsi doublé passant à 115 000 unités en 2016. Certes, à une autre échelle que celles des SUVs, les constructeurs se mettent presque tous aux pick-ups, y compris les marques premiums, comme Mercedes-Benz qui lancera prochainement son Classe X, un autre cousin du Nissan Navara. Cette comparaison de segment entre les SUVs et les pick-ups n’est pas innocente car Renault a déjà fait le coup d’utiliser une base Nissan pour intégrer un marché. On évoque bien sûr le Renault Kadjar qui a été développé sur la plateforme de la « star » Qashqai. Précisons que le SUV au losange, à l’opposé de l’Alaskan, est néanmoins beaucoup plus différent que son cousin japonais. Alors, l’Alaskan rencontrera-t-il le même succès que le Kadjar ?
Pour se faire une place sur le segment des pick-ups demi-tonne, Renault mise sur le physique de l’Alaskan qui est à la fois le plus grand (longueur : 5,399 m) et le plus élaboré en termes de design. Pondérons néanmoins nos propos sur ce dernier point car, pour ces mastodontes utilitaires, leur différence de style se résume à la face avant. Celle de l’Alaskan en impose grâce à un mix habile de robustesse et d’élégance. En Slovénie, lieu de notre essai, les responsables de chez Renault ont d’ailleurs présenté l’Alaskan comme un pick-up lifestyle ?!?
La partie avant de l’Alaskan a donc fait l’objet d’un travail soigné de la part des designers de chez Renault qui lui ont tout d’abord intégré une énorme calandre chromée très travaillée aux joncs noirs. En son centre, trône un autre élément de grande taille, le losange. Les feux full-LED à la signature lumineuse en forme de « C », chère à Renault, sont accompagnés par les galbes impressionnants du capot. La partie inférieure de la « jolie gueule » du pick-up est tout aussi réussie grâce au bouclier qui s’étire vers l’extérieur au travers de beaux volumes. Quant aux éléments qui entourent les antibrouillards, ils génèrent d’autant plus une puissante attractivité visuelle. A ce titre, leur forme peut être comparée à celles de grands crochets. Nous y voyons le symbole comme quoi Renault veut accrocher un maximum de clients potentiels avec l’Alaskan. Plus bas, un indispensable sabot de protection intègre bien sûr le bouclier avant. Au final, et pour l’anecdote, un Ford Ranger croisé sur une route de Slovénie nous a paru minuscule comparativement au très imposant Alaskan.
Les flancs du pick-up français sont communs aux normes du marché : passages de roues proéminents, jantes de 18 à 19″ à effet diamanté s’il vous plaît ! Comme pour l’avant, on retrouve du chrome au niveau des poignées de portes, du marchepied et de l’entourage des vitres. Point important qui ne vous a sûrement pas échappé, l’Alaskan de cet essai est en double-cabine, seule offre pour le moment. Sachant qu’environ 50% des pick-ups s’écoulent avec ce type de carrosserie, Renault a fait un choix stratégique qui vise à séduire les familles ayant besoin d’un moyen de mobilité pouvant crapahuter partout.
Quant à l’arrière de l’Alaskan, allons directement à l’essentiel : sa benne. Elle est en effet la plus longue du marché des pick-ups double-cabine. De plus, elle a été pensée pour offrir pléthore de possibilités de rangements à l’image de notre coffre que l’on pourrait presque prendre pour un barbecue.
Parmi les accessoires proposés pour transformer ce grand espace de chargement à l’air libre en standard, on trouve également les traditionnels couvre-bennes (en aluminium rigide coulissant ou en plastique avec enrouleur), un plateau de chargement coulissant, etc… Le hard-top représente l’option N°1 afin de tout couvrir et verrouiller.
Pour parfaire sa vocation à voyager « partout avec tout », un attelage, des barres de toit, un coffre de toit, un porte vélo complètent les possibilités de l’Alaskan. A noter que dans les prochains mois, Renault proposera au grand public une cellule camping-car. Les professionnels pouvant déjà profiter de transformations sur-mesure conçues par des spécialistes des carrosseries agréés Renault Pro+.
Passons à l’intérieur de celui qui est proposé en finitions : Life, Zen et Intens. Comme évoqué en introduction, le pick-up au losange peut être considéré comme un Navara restylé. Ainsi, et mis à part le logo Renault situé sur le volant, il n’y a aucune différence entre les deux véhicules. La planche de bord, comme tous les pick-ups est en plastique dur. On aurait apprécié une amélioration sur ce point de Renault qui considère l’Alaskan comme une voiture lifetsyle… Provoquons le constructeur en lui soumettant l’idée d’un Alaskan Initiale Paris ! A nos yeux concernant l’ambiance intérieur, le Ford Ranger est au même niveau (en Wildtrack) et le Toyota Hilux fait mieux.
Les sièges avant sont ceux du Nissan Qasqhai, tiens un SUV, encore. L’instrumentation et l’écran sont donc 100% Nissan. Point positif : l’Alaskan récupère le très éprouvé et pratique système AVM 360° et sa « bird view » (en Intens), un outil indispensable pour situer au mieux le pick-up sur les chemins escarpés ou pour le stationner.
A l’arrière, la grande benne fait perdre de l’espace aux jambes mais deux passagers pourront profiter d’un espace largement suffisant, trois un peu moins, surtout que l’inclinaison bien pensée des sièges confère une assise digne d’un… SUV. A cela s’ajoutent une vingtaine de rangements, et en option le toit ouvrant, chose rare.
Place à l’essai routier et off-road. Après avoir littéralement grimpé sur le siège conducteur et mis le contact, les premiers kilomètres parcourus sur des routes aux paysages boisés font ressortir du bon et du moins bon pour l’Alaskan. Motorisé par le 4-cylindres 2,3 l de 190 ch à double turbo repris au Navara qui, lui-même, le reprend au Renault Master, notre Alaskan se conduit à allure modérée surtout qu’il est équipé de la boite automatique Nissan à 7 rapports qui est connue pour ne pas être la plus rapide. L’énorme gabarit du pick-up et ses quelques 2 tonnes sont à prendre en considération à son volant. L’inertie propre à ce type d’engin se faisant sentir à chaque virage, sans oublier qu’il faut « faire tourner » la benne avec le reste. Malgré une bonne maniabilité ressentie, la direction du pick-up manque de précision et de retour d’informations pour le conducteur. Le ressenti est le même pour le freinage. Du coup, cela demande un temps d’adaptation, toutefois assez rapide, pour appréhender ces deux aspects. Puis, l’Alaskan révèle un de ses points forts, son confort. Equipé d’une suspension arrière à 5 bras, il est le plus doué des pick-ups sur ce point. Les Toyota Hilux et Ranger sont loin derrière à cause de leur système à lames.
Ne nous éternisons pas sur les 190 ch (à 3 750 tr/min) du pick-up : 2 tonnes pour 190 chevaux c’est tout juste suffisant. L’occasion de saluer les équipes de chez Renault qui ont lesté le pick-up de 100 kilos pour ce « test drive » afin de nous proposer des conditions de roulage proche du quotidien avec 2 passagers. L’Alaskan est bien aidé par son couple de 450 Nm disponible tôt (entre 1 500 et 2 000 tr mn) pour se mouvoir. Quant aux deux turbos, le plus petit agit justement à bas régime et, le second, haut dans les tours pour assurer un minimum de performances. Ces dernières ne représentent bien sûr par le premier critère d’achat d’un pick-up mais notons que l’Alaskan se classe à une très honorable 3ème place sur l’exercice du 0 à 100 km/h, preuve d’une certaine vigueur. Grâce à ses 10,8 s il se place derrière le Ford Ranger TDCi 200 (10,6 s – essai ici) et le beaucoup plus puissant Volkswagen Amarok V6 TDI 224 ch (7,2 s). Là où le pick-up Renault fait plus fort, c’est sur un chiffre qui peut faire pencher la balance, sans jeu de mots vu le poids du véhicule, à savoir sa consommation : 6,9 l 100/km (chiffre Renault) en cycle complet avec la boîte automatique. Aucun des autres pick-up ne fait mieux. En pratique, nous avons relevé 7,7 l /100 km après un parcours routier sinueux et off-road. En matière d’émission de CO2, rappelons que ces véhicules ne sont pas concernés par le malus. L’Alaskan 2.3 l dCi 190 ch -BVA rejette 183 g/CO2 par km.
En dehors des sentiers battus, l’Alaskan montre tout son potentiel. Il passe partout. Garde au sol de 223 mm, angle d’attaque de 29° à l’avant, 25°, à l’arrière et 4,50 m de hauteur d’immersion dans l’eau le caractérisent. Lors de l’atelier 4×4 le pick-up nous a bluffés par ses capacités de franchissement. Il réalise des prouesses avec une facilité déconcertante. Un novice de ce type de conduite s’en sortirait sans aucun problème. Le différentiel à glissement limité électronique (eLSD) et le différentiel arrière autobloquant (option : 800 €) sont d’une intelligence redoutable. Propres à l’ADN Nissan, le spécialiste du tout-terrain, ils sont un gage de sécurité indéniable. Ce n’est donc pas par hasard si en Colombie le pick-up est plébiscité.
Dans ces terres lointaines aux routes et pistes majoritairement naturelles, l’Alaskan à déjà conquis 5,86% du marché, un exploit ! Des exploits, le pick-up au losange en réalise donc quand le bitume disparaît et que des chemins tortueux se dressent devant lui. Il peut également tracter juqu’à 3 ,5 tonnes, ce qui le place tout en haut du classement des capacités de remorquage du marché.
Le seul point faible de l’Alaskan sur piste, c’est qu’il faut jouer manuellement avec la molette de changement de transmission pour passer de la configuration 2WD propulsion en 4WD (H ou L). D’autres technologies aident le pickup à se sortir de tous les pièges possibles : l’aide au démarrage en côte (Hill Start Assist), aide à la descente (Hill Descent Contrôle), sans oublier les plus classiques, l’ESP, l’ABS et la distribution électronique pour le freinage (EBD). L’Alaskan est définitivement armé pour rouler là où bon vous semble. Le plaisir, que l’on ne ressent pas sur routes et alors omniprésent lorsque l’on manie ce « toy for boy » dans des conditions improbables.
Pour conclure, commençons par préciser que l’Alaskan est également disponible en version 2.3 l dCi160 BVM (unique turbo) et également en BVM en 2.3 l dCi 190 (double turbo). L’Alaskan est le pick-up le plus beau et le plus confortable du segment, c’est indéniable. En revanche, comparativement à la référence ultime que représente le Toyota Hilux (essai ici), il est en manque d’agréments de conduite sur routes et de finitions intérieures haut de gamme. Le Mercedes-Benz Classe X mettra tout le monde d’accord sur ce point. En dehors de ces deux manques, l’Alaskan se positionne comme un challenger de très haut niveau. Alors comment faire son choix si l’on en vient à le comparer à son cousin, le Nissan Navara ? Ce dernier est sensiblement moins cher d’environ 2 500 € à équipements équivalents. Notre Alaskan d’essai 2.3 dCi 190 BVA Intens s’affichant à partir de 45 960 €. De surcroît, le japonais est garanti 5 ans contre 3 pour le français. Renault, comme nous l’avons précisé, peut donc compter sur son design réussi pour le vendre en masse. Un autre point, plus commercial, est à prendre à considération, celui du réseau français des concessions. Celui du losange est très développé en France. C’est donc une force commerciale qui devrait permettre à Renault d’écouler son pick-up en grand nombre surtout que les français aiment acheter français. Enfin, l’effet de mode pick-up pourrait le favoriser.
Texte et essai : Frédéric Lagadec
Photos : LesVoitures.com et Renault