Quatre mois après le vote de l’Assemblée nationale en juin 2025, la suppression des Zones à Faibles Émissions (ZFE) reste dans l’impasse. Le texte adopté en première lecture n’a toujours pas franchi l’étape décisive de la commission mixte paritaire, et l’avenir de ce dispositif environnemental demeure suspendu aux aléas politiques et juridiques.

Les ZFE (Zones à Faibles Émissions), instaurées pour limiter la circulation des véhicules les plus polluants dans les grandes agglomérations, concernent aujourd’hui 11 métropoles françaises et devaient s’étendre à 43 zones d’ici 2025. Leur suppression avait été intégrée par amendement au projet de loi de simplification de la vie économique, adopté par l’Assemblée nationale le 17 juin 2025. Ce vote, largement médiatisé, avait été présenté comme un tournant majeur, voire comme la fin d’un dispositif jugé par certains élus « d’écologie punitive ». Pourtant, quatre mois plus tard, la suppression des ZFE semble s’être enlisée.

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Le blocage lié à la suppression des ZFE, s’explique par une mécanique institutionnelle précise. Pour être définitivement adopté, le texte devait passer par une commission mixte paritaire (CMP), chargée de rapprocher les versions votées par le Sénat et l’Assemblée. Cette CMP avait été programmée pour le 30 septembre 2025, mais elle a été annulée dans la foulée de la chute du gouvernement Bayrou. Depuis, aucune nouvelle convocation n’a été annoncée. Le programme de travail du gouvernement, transmis à l’Assemblée le 28 octobre 2025, ne fait d’ailleurs aucune mention de ce projet de loi. En clair, la suppression des ZFE n’est plus une priorité affichée de l’exécutif.

Cette situation entretient une confusion profonde chez les automobilistes. Beaucoup pensaient que la fin des ZFE était acquise, alors que juridiquement, rien n’est encore tranché. Les collectivités locales, elles, restent dans l’expectative. Certaines métropoles avaient déjà engagé des investissements pour adapter leur politique de mobilité et mettre en place des contrôles renforcés via les vignettes Crit’Air. D’autres, au contraire, avaient suspendu leurs projets dans l’attente d’une clarification nationale. Résultat : un flou réglementaire qui fragilise la crédibilité de la politique environnementale française.

Au-delà du calendrier parlementaire, plusieurs obstacles demeurent. D’abord, le risque d’une dissolution de l’Assemblée nationale plane toujours, ce qui pourrait enterrer définitivement le texte de suppression des ZFE ou, au contraire, relancer le débat dans une nouvelle configuration politique. Ensuite, des recours juridiques sont déjà envisagés par des associations environnementales, qui rappellent que la France est tenue par ses engagements européens en matière de qualité de l’air. Bruxelles pourrait d’ailleurs intervenir si Paris renonçait à un dispositif jugé essentiel pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de particules fines et d’oxydes d’azote.

De plus, la question budgétaire complique encore le dossier. Supprimer les ZFE reviendrait à priver les collectivités d’un outil de régulation, mais aussi à remettre en cause des financements liés à la transition écologique. À l’inverse, maintenir les ZFE sans accompagnement financier suffisant risque d’alimenter la colère des automobilistes et des professionnels, déjà confrontés à la hausse du prix des véhicules conformes aux normes Crit’Air.

En définitive, loin d’être enterrées, les ZFE (Zones à Faibles Émissions) se trouvent aujourd’hui dans une zone grise. Ni pleinement supprimées, ni réellement consolidées, elles illustrent les contradictions d’un pays partagé entre impératifs environnementaux, contraintes sociales et calculs politiques. La mesure de suppression des ZFE, présentée en juin, pourrait bien être, petit à petit, « oubliée » par le gouvernement. Mais à quel prix, et pour combien de temps ?

La rédaction

Photos : LesVoitures.com

Frédéric Martin

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