Le Royaume-Uni s’apprête à instaurer une taxe au kilomètre sur les véhicules électriques dès 2028, une mesure qui pourrait rapporter 1,8 milliard de £ par an mais qui suscite déjà de vives critiques dans un pays où un quart des voitures neuves vendues sont désormais 100 % électriques.
À l’approche du Budget 2026, prévu le 26 novembre, la ministre des Finances Rachel Reeves entend présenter, selon The Telegraph, une réforme fiscale majeure : une taxation de 3 pence par mile parcouru (soit environ 0,035 € par 1,6 km). Selon les projections, les propriétaires moyens de voitures électriques pourraient débourser 250 £/an supplémentaires, ce qui équivaut à près de 284 €. Le dispositif, baptisé officieusement « VED+ », viendrait s’ajouter à la taxe annuelle sur les véhicules (Vehicle Excise Duty) déjà imposée aux propriétaires de voitures électriques depuis avril 2025.

Outre-Manche, le gouvernement justifie cette mesure par un impératif de justice fiscale : les conducteurs de voitures thermiques paient en moyenne 600 £/an en taxes sur les carburants, alors que les utilisateurs de voitures électriques échappent à cette ponction. Avec la montée en puissance de l’électromobilité, soit près de six millions de véhicules électriques attendus sur les routes britanniques en 2028, les recettes issues de la fuel duty s’effondrent. Aujourd’hui, les taxes sur l’essence et le diesel rapportent 24,4 milliards de £/an, soit environ 2 % des recettes fiscales totales. À l’horizon 2040, le Trésor estime que la perte cumulée pourrait atteindre 12 milliards de £.
Les critiques ne manquent pas. Edmund King, président de l’Automobile Association (AA), a dénoncé le risque d’un « poll tax on wheels » craignant que cette taxe ne freine l’adoption des véhicules électriques. Les opposants politiques, notamment les conservateurs, accusent le gouvernement travailliste de « cibler les automobilistes pour combler un trou budgétaire » et de revenir sur ses promesses, Rachel Reeves ayant affirmé en 2024 qu’elle « n’envisageait pas d’instaurer une tarification routière. »
Le SMMT (Society of Motor Manufacturers & Traders) a officiellement déclaré que cette taxe au kilomètre serait « entirely the wrong measure at the wrong time », autrement dit, une mesure inadaptée et prématurée. L’organisation reconnaît la nécessité d’un nouveau système fiscal pour compenser la baisse des recettes liées aux carburants, mais estime qu’imposer une taxe complexe et coûteuse sur les voitures électriques à un moment clé de la transition énergétique serait une erreur stratégique, car elle risquerait de compromettre l’atteinte des objectifs du « ZEV mandate » (obligation de vente de véhicules zéro émission) et de nuire à l’image du Royaume-Uni comme terre d’investissement industriel.
Sur le plan technique, ce projet de taxe visant les utilisateurs de voitures électriques ne reposera pas sur un suivi électronique des déplacements mais sur une déclaration annuelle des kilomètres prévus. Les conducteurs paieront à l’avance, avec possibilité de régularisation en cas de dépassement ou de report si le kilométrage est inférieur. Concrètement, un trajet Cambridge-Oxford coûterait environ 3 £, tandis qu’un Londres-Édimbourg représenterait 12 £. Les hybrides rechargeables seraient également concernés, mais à un tarif réduit.
Ce projet s’inscrit dans un contexte particulier : contrairement à l’Union européenne, le Royaume-Uni n’est pas soumis à l’interdiction des moteurs thermiques en 2035. Depuis le Brexit, Londres conserve une marge de manœuvre réglementaire et a déjà repoussé l’échéance à 2035 pour la fin de la vente des véhicules essence et diesel, avec possibilité d’assouplissements supplémentaires. Cette liberté législative permet au gouvernement de calibrer sa politique fiscale sans contrainte directe de Bruxelles, mais elle accentue les interrogations sur la cohérence de la stratégie britannique en matière de transition énergétique.
Et si la France, engluée dans une dette publique dépassant les 3 000 milliards € et confrontée à une croissance anémique, finissait par copier Londres ? Rien n’empêcherait Bercy d’imaginer une taxe kilométrique sur les voitures et autres véhicules électriques, sous prétexte de compenser l’effondrement des recettes liées aux carburants. Dans un pays où les automobilistes sont déjà écrasés par les péages, les taxes sur le diesel et les hausses de TVA, une telle mesure pourrait être présentée comme « inévitable » pour sauver les finances publiques. Mais elle risquerait de déclencher une nouvelle fronde sociale, rappelant le mouvement des « Gilets Jaunes ».
Enfin, en comparaison internationale, le Royaume-Uni rejoindrait des pays comme l’Islande et la Nouvelle-Zélande, qui ont déjà adopté des systèmes de taxation kilométrique pour les voitures électriques. Pour Rachel Reeves, l’enjeu est double : stabiliser des finances publiques fragilisées et éviter un effondrement des recettes fiscales lié à la disparition progressive des carburants fossiles. Mais cette réforme, qui intervient dans un climat de croissance économique atone et de crise du pouvoir d’achat, pourrait devenir l’un des dossiers les plus explosifs du prochain budget.
La rédaction
Photos : images d’illustration LesVoitures.com

