CD Peugeot SP66 : retour sur sa restauration avant Le Mans Classic

Dans quelques heures, sur le grand circuit des 24 Heures du Mans, La CD Peugeot SP66 écrira une nouvelle page de son histoire en participant au tant attendu événement Le Mans Classic, dixième édition du nom. L’Aventure Peugeot s’est ainsi associée à Classic And Racing et Moteur Moderne pour restaurer cette voiture de course pas comme les autres aux dérives aérodynamiques arrière qui ne passent pas inaperçues.

Nous vous proposons de découvrir, dans cet article, sous la forme d’interviews, les secrets de la restauration de la CD Peugeot SP66 N°52 qui appartient au patrimoine mis en avant  par L’Aventure Peugeot. Cette automobile d’antan devrait attirer tous les regards au Le Mans Classic sachant que l’une des autres « voitures sœurs » est visible au musée des 24 Heures du Mans à savoir, la N°53. Au Mans, ce week-end, précisons que la CD Peugeot SP66 N°52 est engagée au sein du plateau N°4 et avec le numéro de course N°44 délivré par Peter Auto. Rappelons que LesVoitures.com est partenaire de L’Aventure Peugeot et de M6 Turbo pour les nouvelles aventures de la CD Peugeot SP66 dans la Sarthe. D’ores et déjà, en cliquant sur « vidéo teaser« , découvrez la CD Peugeot SP66 sur un autre tracé français historique, celui de Dijon-Prenois.

Débutons avec le « cœur mécanique » de la CD Peugeot SP66 N°52. Les quelques 105 chevaux développés par celle créée par Charles Deutsch et l’ingénieur aérodynamicien, Lucien Romani, sont issus d’un 4-cylindres de 1 135 cm3 repris à la Peugeot 204 puis optimisé, à l’époque, par la société Le Moteur Moderne.

Thomas Petitjean, technicien préparateur chez Le Moteur Moderne nous éclaire sur le travail réalisé sur la CD Peugeot SP66 N°52.

– Pouvez-vous nous présenter votre entreprise, votre parcours et comment est née votre passion ?

« Le Moteur Moderne est un centre de recherche et de développement de moteurs. J’y travaille depuis 2015 au service préparation moteur et véhicule. Notre expertise consiste à préparer, à instrumenter, et à installer les moteurs sur des bancs de test ainsi que préparer les véhicules pour les essais sur des bancs de type rouleau, ceci dans le cadre de campagnes d’essais. J’ai toujours été passionné par l’automobile depuis mon enfance, une passion transmise par mon père, qui possède une R8 Gordini depuis 1976. J’ai, par la suite, entamé la restauration et  la préparation de ma Renault Dauphine équipée d’un moteur Alpine 1600. J’ai orienté mes études vers la compétition en réalisant, en 2014, une formation de préparateur moteur de compétition. Thomas, mon collègue, qui a travaillé sur le projet CD Peugeot SP66, possède 30 ans d’expérience au sein de l’entreprise. Il est passionné de vielles cox et de moto. Il a une grande expérience dans la modification, la réparation de pièces et dans la restauration moteur. Une équipe de passionnés ! »

– Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de la restauration de la mécanique de la CD ?

« Comme vous pouvez l’imaginer, tous les anciens collègues qui ont participé à la conception et au développement du moteur ne sont plus présents au sein de l’entreprise. ll y a eu quelques pièces spécifiques à refaire fabriquer, notamment l’attelage mobile. D’autres pièces ont aussi été modifiées car, il était impossible d’en retrouver des neuves. Nous n’avons rencontré aucune difficulté particulière sachant que nous avons pris le plus grand soin de cette mécanique historique des 24 Heures du Mans 1966. »

– Qu’avez-vous du moderniser, pourquoi ?

« Nous avons dû modifier et simplifier le circuit d’eau car, il y avait eu quelques problèmes à l’époque de la conception de la voiture. Nous l’avons modifié pour fiabiliser le montage et, nous l’avons testé sur banc à rouleau au sein de notre entreprise. »

– Combien de temps cette restauration vous a pris ?

« Nous avons passé entre 100 et 150 heures pour la restauration, la modification du circuit d’eau, le rodage et les réglages sur banc pour offrir le meilleur à L’Aventure Peugeot. »

– Quels ont été les plus mauvais et meilleurs souvenirs lors de la restauration ?

« Le meilleur souvenir est aussi le pire. Le Mans Classic 2018, c’était un magnifique souvenir de voir la voiture participer et rouler sur le circuit mythique des 24 Heures du Mans mais, malheureusement à l’époque, la modification du circuit d’eau n’avait pas été faite, et la voiture a dû abandonner rapidement. »

– Quels conseils donneriez-vous aux pilotes pour Le mans Classic ?

« Profitez de chaque moment au volant de cette magnifique auto, faites vous plaisir ! Et respectez le régime max ! »

Le Mans Classic CD Peugeot SP66

Au tour de Classic and Racing, de son patron, Alexis Kind, de jouer au jeu de l’interview pour présenter les travaux réalisés sur la CD Peugeot SP66.

– Pouvez-vous nous présenter Classic and Racing et vos missions ?

« Classic and racing aura 10 ans en 2023. Passionné, dès mon plus jeune âge, par les véhicules anciens, j’ai mené mes études pour vivre cette passion. Diplômé d’un BTS moteur à combustion interne (ex-Ecole Industrielle de Saumur), j’ai suivi une formation complémentaire de technicien supérieur en sport automobile ( Ecole de la Performance de Nogaro). A la suite d’un stage réalisé dans une écurie inscrite au Championnat du Monde d’Endurance en GT2 AM et GT2 PRO, j’ai dû, par la force des choses, me créer un statut d’auto-entrepreneur pour poursuivre ma saison au sein de cette équipe.  S’en suivent des contrats avec Oreca Motorsport à Magny-Cours autour du moteur LMP2, avec Albatec Racing en Championnat du Monde de Rallycross , avec Renault F1, autour du moteur V6 e-turbo puis, avec Peugeot Sport Hansen en Rallycross également. J’en oublie certainement (rires). Pendant les périodes creuses, comme en hiver, j’en profite pour entretenir mes propres véhicules historiques. Ainsi, cette activité secondaire est devenue une activité principale. Aujourd’hui, chez Classic and Racing, nous proposons l’entretien, la restauration, la mise en conformité (suivant règlement) de véhicules historiques de compétition. Parallèlement, nous proposons des services d’entretien et de restauration pour tout type de véhicule historique. Nous proposons également un service de gardiennage, de conservation, tant pour les véhicules de compétition que pour les voitures anciennes. »

Le Mans Classic CD Peugeot SP66

– Avez-vous eu un contact avec un pilote, un ingénieur ou motoriste de l’époque ?

« Oui , Robert Choulet, ingénieur en charge du développement de la voiture. Il nous a informés des défauts de la version 66 de la CD Peugeot. »

– Quelles sont les challenges que vous avez relevés lors de la restauration de la CD Peugeot SP66  ?

« Elles ont été nombreuses. On ne restaure pas une icône des 24 Heures du Mans facilement. Il faut respecter l’histoire, veiller à conserver la voiture pour les générations à venir, répondre au cahier des charges du client, la mettre en conformité avec un règlement technique moderne. Voici, quelques uns des points marquant concernant nos travaux : l’intégration d’un arceau dans une caisse très exiguë, ceci avec l’aide de l’ADN Peugeot. Nous avons scanné intégralement, en 3D, avant de concevoir un arceau. Ce sont les spécialistes de chez Matter Motorsport qui l’ont, ensuite, fabriqué pour qu’il soit homologué. Le remplacement du réservoir d’essence de la CD Peugeot SP66 a aussi été un grand moment. Déjà, à l’époque, en s’inspirant de l’aviation le réservoir était souple (en caoutchouc). Là encore, pour des raisons de conformité, il a fallu en dessiner un nouveau et le faire passer dans une ouverture de 110 mm de diamètre ! Un sacré challenge ! »

Le Mans Classic CD Peugeot SP66

– Et si vous aviez une autre liste à nous communiquer au sujet des innovations réalisées, dans les années 60, sur cette CD ?

« On en revient au réservoir souple. Le châssis en tôles pliées, collées et rivetées a du donner des maux de tête (rires) aux ingénieurs et à Charles Deutsch comme pour les trains roulants à bras tirés, ces derniers sont, d’ailleurs, encore présents, aujourd’hui, sur les voitures de compétition. Charles Deutsch et son équipe ont réalisé des prouesses techniques notables pour l’époque, tels des génies en avance sur leur temps. L’exemple le plus visible étant l’aérodynamique travaillée et évolutive de la voiture avec, bien sûr, sa queue longue aux ailes d’oiseau verticales. L’exemple le moins visible de l’extérieur est, peut-être, le moteur central arrière positionné à plat pour obtenir un centre de gravité le plus bas possible. La CD, c’est aussi un poids plume de 600 kilos à vide ! »

– Qu’avez-vous du optimiser sur la CD Peugeot SP66 ?

« Encore une fois, la liste est longue ce qui rend notre métier encore plus passionnant : refroidissement, arceau donc, l’extincteur, le pare-brise, les faisceaux électriques, l’allumage, les rotules, le coupe-circuit, le traitement des tôles-châssis et tout ce qui porte sur la sécurité et les normes en vigueur dans ce sens aujourd’hui. Au total, cela nous a pris plus de 2000 h mais, nous ne les avons pas vues passer. C’était une expérience formidable et marquante de travailler sur cette CD. La voir en piste, en 2018, au Le Mans Classic, a été une première récompense pour nous, quelle fierté ! Et je serai présent pour Le Mans Classic 2022 pour prendre soin de la CD aux côtés de Christian Guillaume. »

– Quels conseils pouvez-vous donner, à Etienne Bruet et Thomas de Chessé, les pilotes de la CD Peugeot SP66 N°52 pour Le Mans Classic ?

« De respecter cette voiture comme on respecte un aîné, avec ses forces, ses faiblesses. De prendre du plaisir sans prendre de risque, de ne jamais freiner sur la boite, d’éviter les levées de pieds. Et, de faire briller notre travail sur la piste. »

Rendez-vous donc, ce week-end au Le Mans Classic 2022 pour voir, en action, la CD Peugeot SP66 qui fera l’objet d’un reportage exclusif qui sera diffusé, sur M6 Turbo, à la rentrée. C’est à suivre également sur LesVoitures.com

La rédaction

Photos : Classic and Racing, Moteur Moderne, L’Aventure Peugeot et DR