En France, environ 450 000 ralentisseurs sont au cœur d’une polémique. En effet, le sujet des dispositifs routiers censés ralentir les automobilistes et les conducteurs de deux-roues a été porté jusqu’au Conseil d’État, soit la plus haute juridiction administrative française. De plainte en plainte et de recours en recours, pour simplifier au maximum, une jurisprudence récente, établie en avril 2024 par la Cour administrative d’appel de Marseille, suite à la demande de révision émise par le Conseil d’État, permet aujourd’hui de faire valoir, enfin, les droits des automobilistes et utilisateurs de deux-roues qui ont subi un accident, ou pire, à cause d’un ralentisseur non conforme. Cette jurisprudence est ainsi liée au décret n°94-447. Mais que comporte ce décret n°94-447, soutenu en 2021, déjà, par le ministre de l’Intérieur de l’époque, à savoir Gérald Darmanin ?

Depuis 2016, l’association « Pour Une Mobilité Sereine et Durable (PUMSD) » se bat contre les ralentisseurs illégaux ou non conformes, qui sont donc à l’origine d’accidents de la circulation. Mais ce n’est pas tout. En effet, au passage d’un poids lourd, ce type de dispositif génère des vibrations, ces dernières pouvant fissurer les murs des maisons situées à proximité. De plus, qui d’entre vous n’a jamais senti sa voiture frotter au passage d’un ralentisseur illégal ou non conforme ? Pire, certains automobilistes ont lourdement endommagé leur véhicule à cause d’un ralentisseur beaucoup trop haut.

ralentisseurs illégaux Christophe Béchu

Aujourd’hui, suite à la jurisprudence évoquée en introduction, le décret n°94-447 est le seul document officiel et légal qui peut être présenté par un plaignant devant le tribunal. Soyons précis, la norme Afnor NF P 98-300 liée à ce même décret et qui précise une hauteur maximale de 10 cm pour un ralentisseur a été jugée inexistante par la Cour administrative d’appel de Marseille, car cette norme n’a jamais été publiée au Journal Officiel, aussi improbable que cela puisse paraître, bref. Le Conseil d’État étant passé par là le 27 mars dernier, en rejetant l’ultime recours demandé par PUMSD, la plus haute juridiction administrative française a implicitement validé le décret n°94-447. Le voici en téléchargement gratuit en cliquant sur le lien :

Décret n°94-447

ralentisseurs illégaux

En résumé, voici les principales règles inscrites dans ce décret et qui déterminent donc que la très grande majorité des ralentisseurs installés en France sont illégaux, autrement dit non conformes :

  • Obligation d’installation sur des zones de circulation limitées à 30 km/h.
  • Installation interdite sur une route où circulent plus de 3 000 véhicules/jour.
  • Installation interdite sur les routes de desserte de transport public.
  • Installation interdite sur les voies utilisées par les poids lourds à hauteur de  300 poids lourds/jour.
  • Les ralentisseurs de type trapézoïdal doivent obligatoirement être utilisés pour des passages piétons, sachant qu’il est interdit d’implanter des passages piétons sur les ralentisseurs de type dos d’âne.

Thierry Modolo-Dominati, fondateur et porte-parole de PUMSD, nous en dit plus au sujet de la jurisprudence liée aux ralentisseurs illégaux :

« A l’issue de cette très longue procédure, il ressort enfin que l’on ne peut plus s’affranchir des conditions d’implantation des ralentisseurs, gage de sécurité pour tous les usagers de la route. La jurisprudence est donc désormais opposable. Il s’agit d’un signal fort adressé à tous les élus, qui pourraient se retrouver poursuivis en cas d’accidents liés à ces aménagements. J’attire d’ailleurs leur attention sur le fait que cette jurisprudence a déjà été invoquée dans plusieurs contentieux. Notamment par le Tribunal administratif de Toulon, dans sa condamnation du Conseil départemental du Var le 11 juillet 2024, et par le Tribunal administratif de Grenoble, dans la condamnation de la commune d’Allinges en Savoie, le 14 août 2024. »

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Enfin, depuis cette jurisprudence, certains maires de communes françaises, suite à des plaintes, ou discussions à l’amiable, ont été obligés, ou ont décidé, de démonter les ralentisseurs jugés illégaux ou non conformes (photo ci-dessus). En effet, en cas de plainte, un maire et le prestataire qui a réalisé les travaux d’implantation d’un ralentisseur, ainsi que la société qui a financé l’installation, pourraient être engagés au pénal, avec circonstances aggravantes. Un juge, toujours et encore sur la base de la jurisprudence, pourrait donc même demander la destruction d’un ralentisseur.

La rédaction

Photos : LesVoitures.com