Aux États-Unis, un conflit politique d’ampleur oppose la Californie au Sénat républicain. Les sénateurs viennent en effet d’adopter une résolution visant à révoquer une dérogation accordée à la Californie il y a plus de cinquante ans, lui permettant d’imposer ses propres normes sur la pollution automobile. Cette décision pourrait remettre en cause l’interdiction des ventes des voitures thermiques neuves d’ici 2035, une mesure clé de l’État de Californie dans sa politique environnementale. L’impact économique pourrait être alors très important sur les ventes de voitures électriques, en Californie, voire ailleurs.

C’est une exception environnementale vieille de plus d’un demi-siècle. En effet, depuis 1967, la Californie bénéficie d’un statut unique grâce à une dérogation inscrite dans la « Clean Air Act », qui lui permet d’établir des réglementations plus strictes que celles imposées au niveau fédéral. Cette mesure remonte à une époque où l’État de Californie, alors particulièrement affecté par la pollution atmosphérique, cherchait à lutter contre le « smog » de Los Angeles en instaurant des normes plus exigeantes. Grâce à cette approche proactive, la Californie a réussi à réduire de 98 % les émissions polluantes liées au trafic automobile. En 2022, le parlement de Californie a décidé d’interdire, à partir de 2035, les ventes de voitures et autres véhicules thermiques neufs, dans le but d’imposer uniquement la commercialisation de véhicules à « zéro émission ». Désormais de retour au pouvoir, Donald Trump, président des États-Unis, a de son côté le Sénat américain. Ce dernier souhaite donc « faire sauter l’exception californienne ». Gavin Newsom, le démocrate et actuel gouverneur de la Califonie n’a pas hésité à critiquer vivement cette tentative du Sénat. Faisant preuve d’ironie, il a repris le célèbre slogan du président américain, « Make America Great Again », et l’a transformé en « Make America Smoggy Again », soulignant que cette décision risquerait d’aggraver les niveaux de pollution dans le pays et de compromettre son leadership dans l’industrie automobile liée aux voitures électriques.

Précisons que ce cadre réglementaire et historique accordé à la Californie a influencé plusieurs autres États américains, qui ont adopté des mesures similaires, représentant au total près de 40 % du marché automobile du pays. Si cette exception venait à être annulée, une grande partie de la politique environnementale des États progressistes pourrait donc s’effondrer, menaçant les engagements climatiques des États-Unis. Alors, les conséquences seraient multiples pour la filière automobile américaine, ainsi que pour l’ensemble des constructeurs automobiles internationaux.

Un recours législatif contesté

Le Sénat américain, dominé par les républicains, a utilisé un outil législatif rare, la « Congressional Review Act (CRA) », pour tenter de révoquer cette dérogation. Toutefois, cette procédure est jugée inadaptée par de nombreux juristes et par le Government Accountability Office, qui estiment qu’elle dépasse les compétences du Congrès et pourrait être illégale.

Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, a donc immédiatement dénoncé cette initiative qu’il considère comme un coup de force politique. Il a annoncé une action en justice pour faire annuler la décision du Sénat et préserver le statut réglementaire de son État.

Un affrontement politique et idéologique

Cette opposition illustre une fracture profonde entre deux visions du futur automobile aux États-Unis. D’un côté, la Californie et les États progressistes défendent une accélération vers l’électrification, estimant qu’elle est nécessaire pour réduire la pollution, améliorer la santé publique et assurer l’indépendance énergétique du pays. De l’autre, une partie des républicains continue de soutenir les énergies fossiles et s’oppose aux régulations environnementales, au nom de la liberté économique et du marché libre.

Une bataille juridique aux conséquences nationales

Bien que la Californie n’ait pas encore déposé officiellement sa plainte, elle bénéficie d’un historique favorable dans les tribunaux. À plusieurs reprises, la justice a validé son droit à imposer des normes environnementales plus strictes que celles du gouvernement fédéral basé à Washington. La décision la plus récente en sa faveur date de décembre 2023.

Plusieurs ONG, notamment l’Environmental Defense Fund, ont rejoint le combat et dénoncent cette initiative comme une attaque contre la santé publique et la transition écologique. Elles rappellent que les normes californiennes ont permis de sauver des milliers de vies et de réduire les maladies respiratoires liées aux émissions polluantes des véhicules. C’est, bien sûr, dans ce contexte et celui lié à la pollution historique qui impacte la Californie, que l’interdiction des ventes de voitures thermiques neuves a été décidée pour 2035.

Un tournant pour la politique climatique américaine

L’enjeu dépasse largement les frontières californiennes : près d’une douzaine d’États américains adoptent des régulations similaires, représentant une part significative du marché automobile. Si cette dérogation venait à disparaître, l’ensemble de la stratégie de réduction des émissions des États progressistes serait menacé. Imaginez, alors l’impact sur les ventes de voitures électriques, de l’autre côté de l’Atlantique.

Ce débat contraste avec les tendances internationales, où de nombreux pays adoptent des calendriers stricts pour la fin des véhicules thermiques, notamment en Europe et en Chine. Alors que ces nations accélèrent leur transition vers l’électrique, les élus républicains américains semblent vouloir freiner cette dynamique.

Plus qu’un simple affrontement institutionnel, cette situation reflète une lutte idéologique entre des États qui encouragent l’innovation et un gouvernement fédéral dont une partie reste attachée aux modèles économiques traditionnels.

Quelle issue pour ce bras de fer ?

L’issue de cette bataille sera probablement tranchée devant les tribunaux dans les mois à venir. En attendant, la Californie maintient son objectif de suppression des ventes de véhicules thermiques neufs d’ici 2035, malgré l’opposition du Sénat.

Enfin, que la tentative républicaine aboutisse ou non, le combat pour un air plus pur et une industrie automobile décarbonée est loin d’être terminé aux États-Unis. Quant à l’Europe, le marché automobile traverse une certaine incertitude, surtout dans le domaines des voitures électriques. Quid de l’interdiction des ventes de voitures thermiques neuves, au profit des voitures électrique, au sein de l’UE, en 2035 également ? Affaire à suivre aux États-Unis et en Europe

La rédaction

Photo : RAM